Lorsque je dis que l'esthétique de cet extrait d'opéra est "quelque peu datée", j'entends par là qu'il sapparente, par son esthétique, aux opéras du 19°. Ce n'est pas, dans mon esprit, une critique et je suis entièrement d'accord sur le fait que le compositeur sait parfaitement où il va et s'exprime avec talent. De plus, il est libre de ses choix. En parlant d'esthétique, je ne visais pas la façon de traiter les voix, et particulièrement à la façon de l'exemple illustré par Cathie Berberian. Je pensais tout simplement à bien des opéras du 20°, dont l'esthétique s'éloigne plus ou moins de l'opéra du 19°, y compris de l'opéra wagnérien, comme par exemple: Pelléas et Mélisande - Le Prisonnier de Dallapicola - Le Tour d'Ecrou de Britten - Moïse et Aaron de Schoenberg - Rakes Progress de Strawinski - Lulu de Berg - Le Chateau de Barbe Bleue de Bartok et on pourrait en citer bien d'autres...Sous réserve d'oublis, il me semble que dans ces opéras les exigences vocales ne sont pas fondamentalement différentes de celles de opéras du 19° (Pelléas mis à part). On peut relever des exigences vocales nouvelles dans des opéras plus récents, mais ce n'est pas à ce sujet que j'évoquais le problème de l'esthétique.

Je partage l'impression ressentie par François Desjardins sur la musique contemporaine Les expériences d'un Berio ou d'autres continuateurs en la matière (Manoury ; Fénélon, par exemple) donnent souvent le sentiment d'aboutir à des objets (certes musicaux) indéfinis, tant la volonté de sortir des sentiers battus du chant l'emporte sur celle de construire un "discours" dans le sens linguistique du terme : à savoir un message susceptible d'être sinon compris - donc partagé - au moins perçu. Et c'est ce défaut de perception, ce mur d'incompréhension voire de répulsion qui est gênant
Les œuvres qui en découlent nous paraissent aujourd'hui figées dans leur époque, tout comme les expériences quasi-atonales de certains cénacles d'initiés de la fin du XVIème siècle (dans le répertoire de l'orgue tout particulièrement), parallèlement au style maniériste finissant, dans les arts plastiques ou encore dans certaines œuvres baroques "échevelées" dans lesquelles les effets de glotte supplantent la musicalité supposée.
Si bon nombre d'entre nous en venons à utiliser les moyens légués par l'opéra de la seconde moitié du XIXème siècle et du début du XXème siècle, c'est qu'ils apparaissent encore les plus adéquats pour formuler (= mettre en forme) un discours musical intelligible, sensible et, pourquoi pas, esthétiquement beau, sur une base textuelle donnée, dans un jeu d'interactions fructueuses entre les deux ; du moins idéalement. Ce qui ne signifie pas que certaines œuvres telles que le "Pelléas" de Debussy, objet unique de l'opéra, inimitable et inimité, n'aient pas leur place dans ce répertoire commun.
Dans le même ordre d'idée, je pense au trop méconnu "Juliette ou la clé des songes" (1938) de Bohuslav MARTINU dont l'onirisme explore les contrées musicales avant-gardistes de l'époque tout en maintenant le lien d'intelligence indispensable avec l'auditeur, auquel le compositeur offre une palette de couleurs suffisamment poétiques pour qu'il devienne acteur de son propre rêve. Il s'agit sans doute de la seule réussite d'une œuvre lyrique surréaliste, sur une pièce de théâtre de Georges Neveux (1930), elle aussi, unique dans l'histoire de ce mouvement plutôt riche en chefs d'œuvre littéraires et plastiques. Son écriture n'est pas non-plus sans évoquer celle du Padre Pio de Jean-Pierre Nouvel :

Bonsoir à tous !
Pour moi, la musique de JP Nouvel s'apparente en effet à celle du XIXe siècle. La musique du XXe siècle s'écoute aussi très bien, exemple The rake progress de Stravinski, formidable opéra dont voici un court extrait, ici :

. Il permet de comprendre qu'on peut chanter comme au XIXe sicle de la musique du XXe !

Bricas,

Vous semblez ici vouloir vous dédire... Vous avez bel et bien écrit:



Pour moi regretter, ça signifie regretter...

C'est l'éternel débat entre "anciens" et "modernes" qui a tant agité les arts plastiques, du XVIIème siècle au XXème siècle, la musique prenant en suite le relais. Pour ma part, j'estime que notre époque admet (enfin !) la pluralité et la complémentarité des styles et surtout des moyens d'expression et de création. C'est flagrant dans les arts plastiques, avec notamment le renouveau de la peinture, à côté de médias plus prospectifs et il me semble également en musique, si j'en crois ce que je peux écouter à l'occasion d'interviews de compositeurs, pour certains, jeunes mais déjà reconnus.
J'ai même incidemment entendu hier sur France Musique un quintette récemment créé par l'un d'entre eux et que j'ai, au départ cru être de Brahms !!!! comme quoi, il y a plus "rétrograde" que Jean-Pierre Nouvel ou moi-même....

Nous avons naguère eu les positions franchement prospectives de Nicolas Marty qui déclenchaient d'ailleurs de vives discussions à l'occasion. Notre site défend la diversité tant qu'elle n'est pas synonyme de fumisterie ou ne donne pas lieu à d'autres intentions que celles de servir l'art, les arts et tout ce qui peut s'agréger à ceux-ci, au service de ce que Malraux dénommait "les œuvres de l'esprit", lorsqu'il définissait les missions principales assignées au Ministère de la Culture en devenir.

Ceci dit, rien ne nous empêche d'user de notre esprit critique.

Amitiés,

Y.R.

à François Desjardins

Si vous voulez bien relire mes commentaires plus attentivement, en tenant compte des nuances, il me semble que vous constaterez qu'il n'y a aucune contradiction dans mes propos.