Je vous propose une vidéo de la scène 9 de l'opéra de notre ami ancien compositeur associé Jean-Pierre NOUVEL, intitulé Padre Pio e la Notte Oscura.
Cette scène est un duo entre un évèque prévaricateur et un prêtre cynique qui illustre l'hostilité que Padre Pio rencontra au sein de la hiérarchie ecclésiastique de son temps.
Les deux personnages sont interprétés par deux voix magnifiques, celle du baryton Ioan Hotensky et du ténor Thierry Di Meo.

Très belles voix, très belles mélodies, très belle musique (classique de chez classique !)....La vidéo est aussi une belle réalisation mais, sincèrement j'ai préféré l'écoute sans video (yeux fermés).... Cela me fait penser à ces "clips" dont c'est la mode à la télé et dont le but inavoué est de distraire le téléspectateur de l'essentiel c'est à dire la musique que l'on cherche à vendre et qui, bien souvent, ne vaut pas grand chose...Bien sûr, ceci ne s'applique pas à cette création de JP Nouvel !

belle musique bien réalisée. On pourrait regretter l'esthétique quelque peu datée mais, tous comptes faits, elle est préférable à celle de bien des opéras contemporains dans lesquels on cherche vainement à suivre l'évolution du discours musical ainsi que le contenu émotionnel. Cet opéra a-t-il été reprsenté?

Bonjour,

J'ai, quant à moi, plutôt bien apprécié la vidéo qui permet d'expliciter la dramaturgie, cette scène de l'opéra de Jean-Pierre Nouvel étant un moment fort où s'expriment, de la part d'ecclésiastiques jaloux et inquiets à la fois, des sentiments acrimonieux et cyniques, à travers un texte dense qui ne rend pas la tâche du compositeur aisée s'il veut que la musique y trouve une place qui ne soit pas de second ordre.

La remarque de Bricas renvoie au dilemme auquel les compositeurs sont confrontés depuis plusieurs siècles, dans le traitement de la voix à travers le désir d'innovation et d'exploration de nouveaux moyens d'expression. Il est vrai qu'en matière de chant, la prospection vers de nouveaux horizons expressifs se heurte à un obstacle majeur : l'instrument, lui-même, auquel on ne peut pas tout demander et que l'on ne peut "modifier" - in vivo j'entends ! - comme on traficoterait un piano en y insérant des balles de ping-pong ou de la grenaille.
Cet instrument demeure - heureusement ? - étroitement tributaire du corps du chanteur, ce qui explique qu'une même oeuvre n'est presque jamais chantée de façon identique, y compris par un même interprète, soumis aux variations de son métabolisme et de son psychisme du moment.

C'est cette fragilité qui rend la composition musicale pour la voix à la fois contraignante et exaltante. En effet, ces limites inhérentes à l'instrument imposent aux compositeurs d'utiliser judicieusement leur créativité et de toujours veiller à la faisabilité de ce qu'ils écrivent, tout en restant attentifs aux rapports, autant nombreux que paradoxaux, que la musique entretient avec le texte. C'est ainsi que l'opéra et, plus généralement, le chant, semblent de l'extérieur, demeurer une citadelle du conservatisme, bien qu'il y ait eu des expériences audacieuses en la matière, comme, par exemple, cette fascinante [i[b]]Sequenza III[/b] per voce femminile[/i] de Luciano Berio (1925-2003), composée en 1965/66 et interprétée par l'étourdissante mezzo-soprano Cathie Berbérian , épouse et égérie du compositeur italien.

Dans cette oeuvre le compositeur fragmente à l'extrême le texte de Markus Kutter, au point de le rendre totalement inintelligible et fait accomplir à la voix des figures exploitant toutes les ressources possibles, bien loin des figures vocales traditionnelles ; une oeuvre expérimentale qui fait date dans l'histoire de la musique de la seconde moitié du XXème siècle et qui n'eut guère d'imitations, tant il est vrai que les Cathie Berbérian ne courent pas les rues (hélas !) :



Amitiés,

Y.R.

Fantastique Cathie Berbérian !!
En matière d'innovations qui concernent le chant on peut aussi penser à György Ligeti...

Cher Yves,

Autour de 1974, alors étudiant dans un « camp » d'été pour jeune musicien, nous avions alors assisté à tout un concert donné par cette grande cantatrice, et encore, cela dans une petite salle de concert, en toute intimité si je puis dire.

Fut-ce à cause d'une certaine fatigue - nous assistions et participions à l'époque à d'innombrables concerts de musique d'aujourd'hui, dite contemporaine - j'avais trouvé un peu laborieux l'écoute de ce genre de performance durant toute une soirée - ce qui fut passablement plus long que la présentation jointe ici -.

J'ai un souvenir passablement clair de ce lointain concert et suis encore ...dubitatif: j'ai plutôt tendance à percevoir ici un condensé de plusieurs événements musicaux, chez lesquels sans doute puiser une solide inspiration, plutôt que d'y voir un style particulier. Et pour le cas de l’œuvre jointe ici et concernant ce concert dont je vous parle, on y mettait tout: onomatopées, effets gutturaux, parcours des tessitures, atonalité arythmie, silences, cris etc.

Je garde de ce concert de l'époque une impression unique: il n'arrivait jamais qu'un concert de musique contemporaine de l'époque sature ma tête à ce point. Je ne sais d'ailleurs pas encore complètement pourquoi aujourd'hui. Quelque chose (???) n'a pas passé pour moi.

Je fais un parallèle ici avec les modes: à une époque lointaine, les gens avaient tendance à s'habiller et à se coiffer de manière plutôt homogène. Aujourd'hui on voit de tout sans trop s'en formaliser: un concert comportant par exemple une suite de Bach et l'extrait que vous présentez ici ne me dérangerait pas. J'aurais au contraire l'impression de me promener agréablement dans le temps! ... (en attendant de découvrir cependant pourquoi j'hésite encore à l'idée d'entendre tout un concert semblable à l'extrait présenté ici, le redire... )

Je crois peut-être à tort, que c'est là que nous en sommes maintenant musicalement, en 2013.

Dans l'esprit de ce que je vous en dit, l'extrait et l’œuvre entière de Jean-Pierre Nouvel ne datent pas :on a ici à mon avis simplement le choix d'un homme qui sait ce qu'il veut.

Amitié.