Ce premier mouvement se développe en fonction d’une dualité de styles, selon les épisodes. Il y a trois sections : les deux premières comportent successivement un épisode plus consonants et mélodieux trouvant sa réplique dans un épisode plus dissonant et distordu. Ce choix correspond à un exercice de styles que je voulais tenter. La troisième section, finale, consiste en un épisode plus consonant et dépouillé.
Fichier attaché:
Nom du fichier: sextuor.mp3 Taille du ficher: 5,152 KB
Après plusieurs écoutes j 'ai finalement perçu les diiférentes sections que vous indiquez. Une introduction lente (0;40), un épisode hésitant espiègle (1:32), une drôle de marche harmonique (en sol puis en mib je crois) qui est pour moi la seule véritable rupture de style,nouvel épisode espiègle dans l'esprit du précédent( 2:10),un passage plus dissonant finissant par cette répétition du lab jusqu'à 2:40, petit passage mozartien qui s'étire et se dépouille jusqu'à la fin.Mais cette perception n'est pas évidente car , volontairement, chaque phrase est esquissée, ébauchée, pour être aussitôt éliminée par une autre ou achevée par un silence.J 'avoue,c 'est mon côté fainéant et réactionnaire,en effet, même pour une musique moderne comme la votre, mon oreille cherche à s'accrocher à un thème et à son développement. A part la marche évoquée plus haut, il n'y a pas vraiment d'opposition de styles: nous sommes toujours dans une écriture tonalité élargie, constamment contrapuntique et où tous les instruments sont mis sur un égalitarisme quasi mathématique. Ce foisonnement peut nous perdre un peu mais c 'est aussi l 'intérêt de l 'oeuvre, être toujours là où on ne l 'attend et surprendre à toutes les mesures.
Merci pour vos commentaires et votre écoute attentive. Vos remarques concernant les changements on non de styles sont exactes si on se limite à une définition restrictive de la notion de style, en désignant par là les grands courants musicaux tels que le style tonal ou le style dodécaphonique. A l’intérieur de ces courants, des styles divers se sont manifestés et la notion de style peut même s’appliquer aux compositeurs eux-mêmes ; style mozartien, beethovénien etc. etc. Dans mon esprit, l’opposition de style dans ce mouvement est essentiellement une volonté de confronter « plus consonant » à « plus dissonant ». Finalement, je pense que le terme de style est applicable dans ce cas, tellement la notion me parait floue…Les sections auxquelles j’ai fait allusion sont :
0 ‘’- 53’’ :+ consonnant
54’’ – 1’31’’ + dissonant, « délicieusement faux »
1’32 – 2’05 + consonant
2’06’’ – 2’39 ’’+ dissonant, « carrément faux »
2’40’’ à la fin : + consonant et dépouillé
Quant au fait que cette musique ne répond pas au schéma traditionnel « thème – développement », on peut peut-être remarquer que sa cohérence, si elle est ressentie, résulte sans doute pour une bonne part d’une démarche plus ou moins imitative qui m’est naturelle. Dans l’ensemble, je me préoccupe très peu de l’organisation de ma musique : je la réécoute et la modifie jusque à ce qu’elle me plaise.
À la lumière de vos explications et du commentaire d'Ermier, j'ai plus aisément pu percevoir la structure de cette pièce enlevée et concise. Par goût, j'aurais une préférence pour les passages - notamment le final - dépouillés, dans lesquels les silences structurent autant la musique que les autres paramètres de votre écriture. Ils permettent de mieux apprécier le dialogue entre les instruments.
Les autres sections développent davantage vos caractéristiques stylistiques habituelles : nervosité rythmique, densité de l'écriture dans laquelle l'épaisseur du tissu sonore compte, jeu de couleurs par associations des timbres instrumentaux, sens de la syncope et des ruptures ainsi qu'un goût prononcé pour le contrepoint.
Il est vrai que les atmosphères sont changeantes dans cette courte pièce et s'enchaînent sans véritable lien, par simple juxtaposition, hormis quelques rappels et variations. C'est un parti-pris tout à fait moderne qui évite l'écueil de la monotonie.
Concernant les rapports entre écriture tonale-assonante/atonale-dissonante, j'avoue y avoir été moins sensible, sauf pour le passage central quasiment classique, qui tranche nettement du reste. L'effet d'ensemble demeure, pour cette première approche, celui d'une œuvre contenant en gestation des thèmes annonciateurs de développements ultérieurs (dans les autres mouvements ?).
Merci pour vos commentaires .De fait, l’écriture dépouillée qui vous plait, j’ai hésité, car les œuvres pour ensembles de chambre que je connais ont très rarement cette caractéristique, même .pour des passages de courte durée. Peut-être existe-t-il des œuvres contemporaines pour de petits ensembles, faisant dialoguer les instruments à découvert et il m’intéresserait de les connaitre. Le deuxième mouvement de la pièce, dont je m’occupe en ce moment, a un caractère plutôt motoriste, et, en l’état, pas spécialement dépouillé. Néanmoins, cette idée de faire dialoguer.les instruments me plait, et j’en tiendrai compte pour la suite.
Ermier a sans doute raison en parlant de « tonalité élargie ». Je suis peu apte à l’analyse harmonique, et il n’y a pas, chez moi, d’élaboration consciente d’un langage atonal dans les sections plus dissonantes : le « style ( ?) » y est plus agressif, le sentiment tonal est moins évident, mais reste sans doute perceptible.
L'expérience de l'écriture prouve qu'un passage dépouillé, où un instrument ou une voix est exposé, "à découvert", comme vous le dites justement, est parfois aussi difficile à composer qu'une musique plus touffue. Il présente l'avantage de se trouver seul, confronté à la nécessité de conférer à cet instrument une présence, une personnalité, bref de lui donner vie. Le timbre en est que plus valorisé ainsi que le talent de l'instrumentiste, que ce soit dans le registre de la virtuosité ou dans celui de l'expressivité. J'ai découvert, avec ce premier mouvement, que vous aviez su procéder par touches discrètes et suggestives et donner aux silences une importance équivalente aux sons, dans une approche "structuraliste" pourrait-on presque dire. Tels des plasticiens ou des architectes, nous devons agencer des formes abstraites et immatérielles et disposons de "pleins" (les sons) et de "vides" (les silences) pour ce faire. Nous sommes parfois amenés à nous transformer en paysagistes des sons.
J'ai remarqué également que vous associez volontiers les dissonances à une perception ou un style "agressif". Idéalement, on pourrait imaginer une forme d'atonalité où les dissonances seraient agencées de manière à suggérer la douceur, voire le rêve. Mais il faut alors y associer une idée ou une instrumentation particulière.
Cet extrait d'O.Messiaen présente un mélange des genres : ondes Martenot (sonorité onirique en soi), longues notes tenues ou rythmes rapides et légers sont utilisés, dans le cadre d'un langage purement atonal, à des fins oniriques. C'est une démarche parmi tant d'autres dans ce registre là :
