Léon Cogniet : la représentation de la terreur absolue

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Le Salon de 1824 consacra officiellement le mouvement Romantique en peinture avec notamment Géricault et les Massacres de Scio de Delacroix. Un tableau fit également sensation, c'est Le Massacre des Innocents de Léon Cogniet (1794-1880), grande toile de 2,61m X 2,28m aujourd'hui conservée au Musée des Beaux Arts de Rennes.

Léon Cogniet, Le Massacre des Innocents, 1824, Rennes, Musée des Beaux Arts

Ce peintre, auteur du célèbre portrait de Champollion, est aujourd'hui moins connu que de son vivant. Mais il a légué ce chef-d'oeuvre d'émotion et de modernité à la postérité. Habituellement (sauf chez la toile de Poussin de 1625 du Musée Condé de Chantilly), l'épisode de l'Évangile de Saint-Matthieu du Massacre des Innocents, faisait l'objet de compositions tumultueuses mêlant des mères désespérées tentant d'arrêter des soldats en furie en train d'assassiner les enfants de moins de 2 ans nés à Bethléem, exécutant l'ordre funeste du roi Hérode. C'était l'occasion pour les peintres de faire la démonstration de leur virtuosité, comme le prouve la toile de Rubens de 1638.

Pierre-Paul Rubens, Le massacre des Innocents, 1638, Munich, Alte Pinacotek.


Guido Reni, Le massacre des Innocents, 1611, Bologne, Pinacothèque Nationale


Nicolas Poussin, Le massacre des innocents, 1625 ou 1629, Chantilly, Musée Condé.

Même si le tableau de Guido Reni de 1611 demeure le plus réussi esthétiquement parlant, et celui de Poussin le plus universellement terrible, avec cette mère poussant "le plus beau cri de l'histoire de la peinture", selon les mots du grand peintre anglais Francis Bacon, l'oeuvre de Léon Cogniet nous met face à l'image de la terreur absolue, celle d'une mère qui vient de se réfugier à l'ombre d'un passage en ruine, tout près d'un escalier et empêchant son enfant de crier, tout en le serrant contre elle. Certes la pose de cette femme est quelque peu "travaillée", dans un savant raccourci académique, mais le spectateur est immanquablement attiré par ce regard terrible qui l'interpelle, d'autant que Cogniet fige le récit de son tableau à un moment de suspense insoutenable : le soldat qui dévale l'escalier de gauche, poursuivant une autre mère, va-t-il découvrir cette femme terrorisée, tapie dans l'ombre ?

Rarement, un peintre n'était parvenu, avant Cogniet, à un tel degré de tension narrative et cela uniquement à travers le regard terrorisé de cette mère, regard qui interpelle notre conscience et qui symbolise la terreur absolue. Comme Poussin, deux siècle avant lui, Cogniet atteint l'universel avec cette oeuvre, en individualisant le drame, permettant à tout un chacun de s'identifier à cette mère confrontée au plus abject des meurtres, celui de son enfant.

Léon Cogniet, portrait de Jean-François Champollion, 1831, Paris, Musée du Louvre

Léon Cogniet, Autoportrait, 1818, Orléans Musée des Beaux Arts

 

Johann-Heinrich Füssli : Le cauchemar (1791)

J-H.FÜSSLI, "Le cauchemar", 1791, Frankfort, Goethemuseum.

Dix ans après avoir connu le succès avec la première version du "Cauchemar", le peintre allemand Johann-Heinrich Füssli livre en 1791, une version quasi-psychanalytique de ce thème, à l'aube d'un romantisme qui se penche de nouveau sur le phénomène des rêves.

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Les enfants américains de la Tour Eiffel

Les enfants américains de la Tour Eiffel

 

Le Citicorp (1978) de Hugh Stubbins à New-York

et son sommet biseauté reconnaissable dans le skyline newyorkais.

 

La "déesse-mère" de Messieurs Koechlin et Eiffel

Lorsqu'en 1884, l'un des ingénieurs de l'agence de Gustave Eiffel, Maurice Koechlin (1856-1946), propose, dans le cadre du concours lancé pour l'édification d'une tour de 300m, à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1889, celle du Centenaire de la Révolution, le dessin d'une tour-pylône métallique évoquant une pile de pont à quatre pieds, histoire de faire la promotion de l'excellence de l'agence dans ce type d'ouvrage d'art, il est loin de se douter qu'il vient d'imaginer à la fois le prototype et aussi le bâtiment le plus emblématique d'un type de constructions qui symbolisera à lui seul l'architecture du XXème siècle : le gratte-ciel.

 

Fichier:Maurice koechlin pylone.jpg

Projet de Maurice Koechlin pour une tour métallique de 300m, déposé en septembre 1884

et racheté ensuite par son patron, Gustave Eiffel.

Koechlin assura la finition du chantier en mars 1889. Il participa également à la construction du Viaduc de Garabit (Cantal)

et dessina la structure métallique de la Statue de la Liberté d'Auguste Bartoldi à New-York.

Il dirigea l'agence d'Eiffel à la mort de ce dernier (1923).

 

Fichier:Delaunay - Tour Eiffel.jpeg

 

Robert Delaunay, La Tour eiffel, 1911,

New-York, Salomon R.Guggenheim Museum

 

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GIOVANNI ANSELMO : « UN GRIS QUI S’ALLEGE VERS L’OUTREMER »

GIOVANNI ANSELMO :

« UN GRIS QUI S’ALLEGE VERS L’OUTREMER »

 

Artiste italien, né en 1934 à Borgofranco d’Ivrea (Piémont), Giovanni Anselmo est une des figures de proue de l’ARTE POVERA, principal mouvement d’avant-garde conceptuel italien apparu au début des années 1960.

 

Giovanni Anselmo à l’époque d’ARTE POVERA

 

ARTE POVERA : UN RETOUR VERS UNE MATIERE SIGNIFIANTE

 

Plus qu’un simple « mouvement » artistique né de la contestation d’une société marchande alors sûre de son éternelle prospérité, ARTE POVERA se veut plutôt une « attitude » de certains jeunes artistes italiens qui s’interrogent, comme tant d’autres de leurs collègues français du NOUVEAU REALISME ou encore américains du POP ART, sur les dérives consuméristes d’un société erratique, semblant avoir égaré la notion de sens, au détour d’une allée d’un de ces supermarchés, présentés alors comme les nouveaux temples de cités devenues tentaculaires. En ce sens, ARTE POVERA s’inscrit tout à fait dans l’émergence simultanée de deux courants clés de l’art de l’après-guerre : le HAPPENING (ou art « évènementiel ») et l’ART CONCEPTUEL, dont les « Ready Made » des années 1910-1920, de Marcel Duchamp constituent les prototypes « historiques ».

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Giuseppe Penone : à l'origine était le souffle

Giuseppe PENONE :

À l'origine était le Souffle

 

Rovesciare i propri occhi (« retourner ses propres yeux »), 1970. Dans cet autoportrait de ses débuts à Arte Povera, Penone se photographie portant des verres de contact miroitants et réfléchissant la lumière qui recouvrent l’iris et la pupille. Rendu ainsi physiquement aveugle par cet pellicule de verre, l’artiste dépasse les contingences de la réalité visuelle extérieure pour mieux retrouver une forme de regard intériorisé qui se veut forcément plus authentique, en même temps qu’il affirme que le regard qu’un artiste porte sur le monde est comme un miroir, exacerbé par sa sensibilité, du monde lui-même. Cette dialectique du regard alterné entre l’artiste et le monde n’est pas nouvelle et se rencontre dans bon nombre d’autoportraits célèbres dont celui, fameux, de Nicolas Poussin et daté de 1650, conservé au Louvre, qui fascina tant les artistes et les philosophes du XXe siècle. Il est probable que Giuseppe Penone s’en est souvenu lorsqu’il conçut cette photographie, transposant le contenu discrètement allégorique du tableau de Poussin au niveau de la surface « miroitante » de ses propres yeux. Là où Poussin suggère l’essence même de son métier – l’artiste doit révéler la condition humaine à travers l’héritage gréco-romain et judéo-chrétien – par une mise en abîme de la surface de la toile, entre présence réelle et illusion propre à l’image peinte,  Penone focalise la mission de l’artiste sur cette surface réfléchissante, au double sens du terme, que sont  le regard / les yeux de l’artiste. J’aurai bientôt l’occasion de revenir plus en détails sur l’autoportrait de N.Poussin, dans un prochain article consacré à cet artiste au génie souvent mal connu.

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