« JEU DE VARIANTES »

Cette ébauche orchestrale, sous forme de variations libres du thème exposé au début, a pour but de servir de test. Il s’agit d’une ébauche, car je réviserai peut-être certains passages, et prolongerai ou non la pièce.

Le test ne porte pas sur la forme, mais sur le langage précis employé. Si vous voulez bien entrer dans le jeu, j’attends vos réponses à ce sujet, qui m’éclaireront en ce qui concerne l’impression stylistique laissée par cette musique. L’écriture orchestrale est peu chargée, ce qui devrait faciliter la définition du langage employé. La partition de l’état actuel de la pièce, imprimable, est prête, mais ne sera mise en ligne qu’ultérieurement. car elle est bien explicite.

Les questions sont les suivantes :

1. Quel langage précis a été employé ?
2. Plus difficile : quel est le plan respecté, fonction de ce langage, indépendamment de la forme particulière observée (variations)? : c’est à déterminer pour les 40 premières mesures [en 2/4]. A partir de la mesure 41 (1’13’’), c’est plus compliqué : le langage reste inchangé, mais l’écriture est un peu plus complexe et mouvante. C’est sans doute non analysable à la simple écoute.

...bonne question... je m'y prête :

La première écoute m'a laissé une impression mitigée quant à l'orchestration (pas assez de contrastes de densité à mon goût). Pour les questions :

1. "langage précis" ? Est-ce un langage bien référencé et délimité dont il s'agit là ? Il y a de la modalité, c'est certain. De la polymodalité, à coup sûr. J'entends des passages qui m'évoquent un mode diminué. Je ne saurai en dire plus (il faut dire que je n'ai pas une super oreille analytique...).

2. Plan respecté ? J'ai déjà bien du mal à percevoir un thème et variations (les variations sont probablement trop loin du thème pour que l'association se fasse directement), et je n'ai pas l'habitude de pratiquer l'écoute formelle (à mon tort, probablement), donc je ne saurai pas répondre non plus. Mais si c'est un plan par rapport au langage, il y a probablement une histoire de modulation ou de série, j'imagine.

Quant à l'impression stylistique, je dirai première moitié du XXe siècle, post-romantique et expressionniste.

Merci, Nicolas, d’être le premier à se « jeter à l’eau » et de jouer le jeu !

Votre remarque concernant l’orchestration m’intrigue: qu’appelez-vous au juste «contraste de densité»?

1.Langage précis : c’est effectivement un langage précis, référencé, délimité, modal. Contrairement à ce que vous pensez, il n’y a pas de polymodalité dans le sens où vous l’entendez, à savoir mélange ou succession de différents modes. Il s’agit d’un seul mode. Cette erreur est pour moi très intéressante car plutôt révélatrice de la diversité de réalisation possible dans l’emploi du mode en question.

2.Plan respecté: j’avais bien précisé qu’il ne s’agit pas de la forme (variation libre). Il s’agit de l’utilisation fonctionnelle d’une particularité du mode. Si le mode n’a pas été trouvé, le plan en question ne peut être trouvé. Cependant, votre idée de modulation peut être retenue, mais la modulation se fait au sein même du mode, et non entre modes différents.

Quant à l’impression stylistique que vous ressentez, elle est bien celle qui est recherchée. Si la pièce a un intérêt, c’est peut–être précisément d’obtenir ce style à l’aide de ce mode.

En ce qui concerne la forme variation qui est celle de la pièce, il ne s’agit pas d’un travail harmonique ou contrapuntique sur un thème, mais plutôt d’une succession de courtes sections évoquant certaines tournures du début de la pièce en faisant se succéder des ambiances diverses. Par contre je termine actuellement une variation qui reprend littéralement ce début en l’étoffant, pour en modifier l’ambiance.

Compte tenu des précisions données ici sur le langage, je pense qu’il ne tardera pas à être défini!

Vraiment, à la réécoute, et avec un peu d'aide du piano, je retrouve un mode diminué, qui du coup est probablement posé sur ses trois transpositions possibles. Ce ne serait pas étonnant parce qu'une des pièces de Bartok, dans Mikrokosmos, qui est écrite sur ce mode, sonne très polymodale aussi. Ca semble être une des propriétés du mode.

Je pense que vous avez bien identifié le deuxième mode à transpositions limitées décrit par Messiean, la gamme un ton - un demi ton.. La pièce ne met en oeuvre que deux transpositions sur trois: en partant du do: 1.do-ré-mi bémol etc 2.do -ré bémol- mi bémol etc. A elles deux, ces transpositions (ou variantes) couvrent la gamme chromatique.

Pour la devinette du mode, je confirme Nicolas et propose la demi-ton/ ton de Do (c'est comme cela qu"elle se nomme en jazz), en "Messiaen" ce doit être la première gamme diminuée inversée .Sinon je donne ma langue au chat Bricas.D'ailleurs, à ce propos je me suis toujours étonné de l'évolution modale parallèle entre le jazz (Ellington puis Davis, Evans etc...) et la musique première moitié 20ème qui utilise les m^mes modes ( diminuées , et inversées, augmentée, Bartok cad Lydien augmentée etc....) et les théorise avec Messiaen. Je ne sais pas si vous avez un point de vue sur ce phénomène.
Pour revenir à cette composition, il me semble que la forme choisie est donnée dans le titre c'est à dire des variantes successives autour de cellules mélodiques ou rythmiques, sorte de thèmes et variations au pluriel.Sinon cette pièce austère, ambitieuse sera à réécouter impérativement sous sa forme définitive.

Eric