D'emblée, les premières notes en ostinato m'ont fait penser, par analogie avec le titre en apparence incongru, à l'idée du sonar évoquée par SORGES.
Cette pièce est effectivement d'un bel effet et d'une intelligence qui allie esthétique et retenue. Elle prend le parti du minimalisme et de la répétition sans ostentation, laissant la place aux silences, aux rallentissements et aux respirations. On y repère une complexité harmonique à la lisière de l'atonalité, autour des variations sur cette "horloge" de notes répétées et décalées par contretemps, dont parle si justement Eric CORMIER plus haut.
Les nuances confèrent du volume à ce qui aurait pu devenir, du fait de la démarche même d'une musique répétitive et minimaliste, monotone. Bien au contraire, cela ne l'est jamais.
Indisctinctement, les petites notes répétées du début glissent vers le grave, donnant une forme de dramaturgie et d'ampleur à la mélodie. L'auteur y fait preuve d'un réel sens de l'équilibre entre les registres, tout en soulignant nettement les contrastes entre ceux-ci, dans les phases les plus sombres de la pièce. Les différentes variations s'articulent autour de notes jouées en contretemps, comme une sorte de comput obstiné qui forme la colonne vertébrale du tout. Parfois des notes aigües cristallines s'écoulent pour tempérer des accords massifs dans les graves, à la limite du cluster.
À certains moments, j'ai cru retrouver le climat obstiné et l'ambiance grise du prélude de DEBUSSY,
"Des pas sur la neige" (Préludes, Livre 1, 1910), en un peu plus rapide toutefois.
À 8'12, on assiste au retour du motif des deux petites notes alternées du début de la pièce, notes toutefois vite "hachées" par des blocs sonores frappés dans le grave et à partir de 8'59, "l'horloge" se fait plus angoissante, jusqu'à mourir sur un accord doux et légèrement plaintif.
On ne peut que louer ici la sobriété et la justesse dans la construction de l'oeuvre, au service d'une maîtrise des émotions plutôt rare.
Amitiés,
Y.R.