Superbe pièce d'une grande unité stylistique avec un troisième mouvement qui pourrait ressembler à certains moments à une tentation de valse. Les trois mouvements égrènent des thèmes intimistes, aux intonations jazzy reconnaissables, dans lesquels l'écriture se contraint à une simplicité frôlant parfois le dépouillement, ce qui ajoute de l'émotion contenue et de la poésie à cette "Elégie" dont le titre est tout à fait adapté.

Mais les tensions rythmiques sont toujours là, avec leurs syncopes et les accélérations de tempo s'achevant sur de fréquents points d'orgue. Ce procédé de juxtaposition de thèmes et motifs qui finissent sur des accords ou notes étirées est une marque de fabrique de son auteur.
L'imbrication entre les deux instruments est parfaite et équilibrée : tout en dominant la ligne de chant, le violon n'écrase pas du tout le piano qui a se laisse aller à de brefs épanchements lyriques jamais appuyés.

Les ressources expressives du violon, de ses articulations notamment, y sont savamment exploitées et l'on reconnaît aussi l'expérience pianistique du compositeur dans l'écriture du piano qui ne se contente pas d'accompagner le violon.

Le parti-pris volontairement tonal du second mouvement ne m'a pas semblé détoner du reste, bien au contraire : il se pose un peu comme le point d'orgue de l'œuvre, son épicentre esthétique, bien que ma préférence aille plutôt au troisième mouvement, plus libre et plus suggestif.

Compte-tenu de la très grande qualité du rendu de cette maquette numérique, on a une idée précise de ce que donnerait une interprétation réelle.
Bravo !

Amitiés,

Yves

Un grand merci, Yves pour cette analyse très (trop?) élogieuse ( même si je la trouve très pertinente ! )
Cette pièce ne fait pourtant pas l'unanimité. Après les remarques d'Emilie qui n'apprécie pas trop le 2e mouvement et qui trouve que l'ensemble manque d'unité, j'ai recueilli aussi l'avis d'un éminent pianiste et compositeur, Eric Heidesieck, qui m'écrit "permettez moi de ne pas avoir été conquis par "l'Elégie" dont la personnalité est plus indécise" Il l'a comparait à "Colombine" qu'il aime bien. (Voir un extrait de sa lettre sur mon site pour ceux qui veulent le détail)

Cher Jean-Louis,

Je suis d'autant plus sincère dans mon propos que ton style et ta technique d'écriture (ainsi que pianistique) sont totalement étrangers aux miens et que, ne me sentant nullement "menacé" sur un territoire commun, j'aborde toujours l'écoute de tes oeuvres avec la curiosité objective d'un néophyte. Mais, nanti d'une certaine expérience dans le travail de composition, je peux toutefois évaluer la qualité d'une démarche par rapport à son postulat. Et ici, je ne crois pas me tromper en affirmant que certaines "facilités" thématiques ont été soigneusement "corrigées" par une maîtrise technique affirmée, au service d'une unité formelle réelle, au niveau de la perception globale de la pièce, même si elle est constituée d'une juxtaposition de motifs s'achevant souvent par des points d'orgue conclusifs. L'unité formelle dont je parle, par-delà cette composition par "petites touches" séparées, touche au style qui unifie le tout, cette "marque de fabrique" reconnaissable, bref cette "esthétique"qui t'est propre.

Je conçois qu'un violoniste ou qu'un pianiste, aussi prestigieux soit-il, y trouverait à redire, animé d'une écoute certes professionnelle mais unilatérale. Or, notre travail de compositeur doit également intégrer le tout, même en demeurant attentif à la qualité de ses parties. C'est l'éternel débat esthétique opposant la conception médiévale à celle du classicisme hérité de la Renaissance, depuis le XVI ème siècle.
Concernant Eric Heidsieck, son jugement ne m'étonne guère. Il émane d'un technicien virtuose du clavier dont la sensibilité confine souvent à la raideur. Je pense notamment à son interprétation des "Préludes" de Debussy qui est un modèle de sécheresse. Il n'aura perçu que la surface de ton "Élégie" et non ses dimensions transversales.

Amitiés

Yves

Bonjour Jean-Louis,

Emilie wrote:

Vous faîtes sans doute allusion à somewhere over the rainbow? J'ai écouté, je vois d'où ça vient : le vibrato de la voix de Judy ressemble étrangement à celui du violon de Jean-Louis!



Sans rire, je suis jaloux du réalisme que tu obtiens dans la dynamique et le phrasé (sûrement beaucoup (trop) de travail sur cubase pour le paresseux que je suis). Et plus encore de ta maîtrise de l'écriture pianistique.

J'aime beaucoup les trois mouvements, mais j'ai une préférence pour le 3ème.

Amicalement

Nicolas

Merci, Cher Yves pour cette "reconnaissance" de ma "marque de fabrique" !
Et merci Nicolas pour ton écoute.
Nicodem wrote:

Il n'y a rien de difficile: j'utilise Cubase et ses liaisons avec la banque de sons (VSL), ce qui me permet d'appeler toutes les articulations (nombreuses) dont je dispose : je dispose les indications(volume, accents, traits, etc.) dans la partitions, j'écris les mots clés que Cubase interprète en allant chercher les bonnes articulations (les bons échantillons) et en agissant sur les opérateurs midi correspondant aux indications de la partition, volume, vélocité, etc, (ça dépend évidemment des sons). Pas besoin d'aller bidouiller dans le midi, donc énormément de temps gagné.
Je "chiade" directement la vélocité uniquement pour le piano car c'est elle qui gouverne la couleur et le volume du son obtenu. Et j'agis bien-sûr sur le tempo général. C'est tout. Tout le reste est obtenu à partir des indications de la partition pour une écoute du résultat en temps réel. Très pratique et facile.
Ce n'est pas "trop" de travail, c'est juste le plaisir d'entendre immédiatement la musique que j'ai dans la tête et d'en parfaire le rendu en même temps que je l'écris...
Inconvénient: la partition est touffue, et laisse peu de liberté à l'interprète, mais ça, pour moi ce n'est pas un défaut, au contraire... Je constate que les interprètes écoutent et s'inspirent beaucoup de mes maquettes, maintenant, quand ils travaillent !