...et bien avant l'apparition de la mélodie...
...et bien avant l'apparition du concept de dissonance en Occident...
...et bien avant l'apparition de la modalité en Occident...
...et bien avant l'apparition de la tonalité en Occident...
...et bien avant l'apparition toujours en Occident du tempérament égal (qui n'a rien de naturel) et sa généralisation au monde par occidentalisation...
...et bien avant l'apparition du pathos romantique (XIXe siècle) qui met le coeur et l'âme au centre de tout en oubliant le fait que tous les compositeurs suivaient des normes conceptuelles qu'ils considéraient comme naturelles et dont on sait aujourd'hui qu'elles ne le sont absolument pas...
si la musique peut s'écouter avec le coeur, le coeur écoute avec la tête, soyons clairs !
si la musique peut s'écouter sans la tête, ce n'est qu'à un niveau très "primaire", sans connotation péjorative (pulsation rythmique ressentie par le corps et gestes temporels)
c'est devenu la mode de rejeter la création contemporaine sous le prétexte qu'elle ne parle qu'à la tête, alors que la création artistique purement conceptuelle n'existe presque plus (et que même elle, si elle est conceptuelle au niveau poïétique - de la création -, ne l'est pas nécessairement au niveau esthésique - de la réception)
...la musique de Debussy, comme celle de Messiaen, ne s'écoutent pas avec le coeur ni avec la tête, mais plutôt avec les yeux...
...la musique de Stravinsky avec le corps...
...la musique sérielle, à laquelle beaucoup reprochent d'être trop intellectuelle et trop loin de la perception, n'est en fait jamais qu'une musique expressionniste mathématisée (dont l'écoute n'est pas mathématique)...
...la musique spectrale, qui part de bases conceptuelles complexes, ne cherche absolument pas à ce que ces bases soient perçues comme telles...
la musique qui s'écoute avec le coeur est un concept romantique qui n'existe plus dans le milieu de la création d'art contemporain (bien que le corps joue parfois un grand rôle). ne restons pas bloqués au XIXe siècle. le concept de musique, comme celui d'art, ne servent à rien à part à lancer des débats sans fin entre des gens qui s'ennuient. il faut encore une fois se souvenir qu'ils sont purement occidentaux, et que ce serait très ethnocentrique de penser le contraire.
...
et n'oublions pas non plus que le compositeur n'est pas simple auditeur de sa musique. sinon, il se retrouve justement pris au piège de "ce qui sonne bien", c'est-à-dire ce qu'il a déjà entendu.
le conceptuel ne se situe pas au niveau de l'écoute, mais bien au niveau de la création, et y est indispensable ! le fait qu'on écoute aujourd'hui bach en disant "qu'est-ce que c'est beau, ça élève l'âme, c'est de l'art" n'empêche pas que toutes les messes qu'il a composées n'étaient que des oeuvres d'artisanat. un artisanat très bien maîtrisé et original par moments, mais un artisanat malgré tout, basé sur un système (conceptuel) prédéfini (la tonalité) et des symboles (conceptuels) tout aussi défini (la symbolique des chiffres est très forte chez lui...même si elle n'apporte rien à la musique... pourtant elle canalise la création et lui permet de la contrôler selon ce qu'il veut, et non selon ce que le système veut).
...
la musique s'écoute, et cela dans le temps, et c'est bien le plus important
