Bonjour François,
J'ai écouté votre oeuvre avec grand plaisir car j'y ai retrouvé des sensations propres aux paysages que la montagne peut révéler à celui qui la contemple ou la pratique.
La montagne est propice à l'exaltation du grandiose et cela ne vous a pas échappé.
On le remarque dans les l'ampleur des thèmes qui se déploient tout au long de ce poème qui s'inscrit dans une tradition noble - et pourtant quelque peu méprisée par les beaux esprits à la mode - de la musique à programme qui a donné tant de belles pages à la musique symphonique.
En inscrivant le thème de la montagne au programme de votre création, le risque était d'établir une parenté esthétique avec le "Jour d'été à la Montagne" de Vincent d'Indy. Or, de parenté, il n'y a heureusement que le thème principal.
Vous avez su débarrasser votre oeuvre de toute approche folkloriste qui en ferait un hommage au terroir montagnard et à sa culture, comme le fit notamment votre illustre devancier.
Ici, rien de tel. Vous confronter l'humain, l'homme seul au pied du colosse de roche, qu'on imagine recouvert de sombres forêts propices à la méditation romantique, pour traduire la vastitude du paysage, donc, par extension, de la nature. Il s'agit d'un dialogue élémentaire, presque abrupt entre les deux, l'usage de la clarinette basse et du contrebasson notamment, la puissance des cuivres et la force des percussions participant à cette scénographie sensorielle proche de la dramaturgie.
Le climat général n'est pas à l'ensoleillement estival et joyeux du poème de d'Indy mais aux grondements de forces telluriques en sommeil, face à la fragilité de l'être humain, spectateur admiratif mais inquiet d'un nature colossale qui échappe à son emprise. Mais peut-être aussi que l'hommage ici rendu au grand violoniste et promotteur de la musique québécois qu'était Gilles Lefebvre explique le ton grave de l'ensemble.
Outre l'habituelle attention que vous apportez aux cuivres et à la percussion et qui est la marque de votre façon d'orchestrer, on remarque une nette parenté esthétique avec le symphonisme nord-américain "classique", dans ce qu'il a de meilleur et surtout de plus efficace pour faire sentir les grands espaces continentaux, qu'ils soient plaines ou montagnes.
Je vous remercie d'avoir su utiliser avec tant d'à propos un des motifs de "La courbe de tes Yeux", de lui avoir insufflé une vitalité nouvelle, une identité neuve, par le jeu des variations et prolongements créatifs que vous lui avez donné.
J'aurais juste une question relative à la nomenclature orchestrale : j'ai remarqué qu'il y avait une "section cors" distincte du "cor" lui-même et qu'après les contrebasses, figurait un pupitre "basse". À quoi correspondent-ils exactement ?
Amitiés,
Y.R.