Ce que je voulais dire, c'est que sans système, le risque de tourner en rond ou de ne pas "dire" grand-chose à l'intérieur d'une partie est grand. Le système n'a pas besoin d'être mathématique, ni même conceptuel, ni même écrit. Mais tant qu'il n'est pas contrôlé, le fil de la plume part dans tous les sens, et l'auditeur peut s'y perdre.
Il y a déjà dans votre pièce un système macroscopique : le champ harmonique créé par le mode octotonique (diminué / mode 2 / etc.). Maintenant, ce dont je vous parle comme organisation microscopique relève de la même idée de contraste dont je parlais, mais plutôt que d'étudier une partie de quelques mesures, regarder sur chaque instant comment évolue l'utilisation du mode (combien de voix ? quelle densité rythmique ? quelle densité harmonique ?).
Et ce sont ces évolutions qui constituent la perception, autant que l'identité des modes et des notes. On perçoit d'abord si le spectre est chargé ou vide, si le temps est rempli ou très étalé, et si le spectre se charge, se vide, si le temps se remplit, s'étale, si le registre est étalé, serré, aigu, medium, grave. C'est le mode d'écoute "par défaut", avant l'acculturation tonale et la recherche de cadences et autres. C'est donc ce genre de choses qu'il faut "systémiser" pour éviter de se trouver dans la situation où ces évolutions se réalisent presque automatiquement sans que le compositeur ne les contrôle (auquel cas on peut être sûr que le tout sera vite ennuyeux parce qu'il n'y aura pas de réel intérêt dans le temps).
Sincèrement, je ne saurai dire si les compositeurs d'aujourd'hui utilisent ce genre de systèmes consciemment. Ca doit dépendre beaucoup des compositeurs. Mais ce ne sont pas que les sériels qui travaillent avec des systèmes : les spectraux (qui sont à l'opposé) utilisent des systèmes tout aussi rigides (les suites et analyses harmoniques, et les contrastes pertinents pour la perception, justement, sont travaillés - lire Grisey). Et quand je dis "pertinents pour la perception", c'est bien pour dire que le système n'a pas besoin d'être perçu (d'où l'impression de liberté adoptée) pour avoir un effet sur l'auditeur.
C'est une pensée qui demanderait à être plus contrôlée avec des références de psychoacoustique et d'expériences d'écoute pour être bien illustrée, mais je n'ai pas le courage de retrouver ça aujourd'hui
En résumé (très bien décrit dans
Audible Design de Wishart) il faut différencier entre identité (un mode a une identité harmonique qui ne dépend pas de son utilisation / une même réverbération appliquée à tout un fichier audio est une identité) et transformation (comment le mode est développé / comment la réverbération est modifiée dans le temps), et que c'est la transformation qui est intéressante dans le temps, pas l'identité.