Bonsoir Nicolas,
Comme toujours, je suis fan, indéfectiblement, car par-delà l'apparent néo-classicisme de ta démarche musicale, je perçois bien le souffle novateur qui te dicte tes mélodies (je suis en effet convaincu que tu es avant tout fait pour le chant). À chaque nouvel opus, tu nous surprends avec notamment ce parti-pris esthétique a priori profane dans la composition de chants sacrés, mais en apparence seulement. Pourquoi, en effet, se plier à la sacro-sainte tradition de solennité, voire de pesanteur, attachée à ce genre ? Dès "Lead kindly light", j'ai aperçu une autre manière d'adresser ses prières au Seigneur en faisant appel à la sensualité harmonique et à la souplesse mélodique, qui sont deux de tes caractéristiques.
Au fur et à mesure que tu explorais ce territoire créatif, tu développais une plus grande autonomie de l'accompagnement pianistique, tout en gardant de vue la lisibilité de la ligne de chant et ses relations prosodiques avec le texte. Tu y intègres avec subtilité des références au jazz sans pour autant tomber dans l'exercice de citations appuyées car, ton travail se veut avant tout exploratoire et didactique, sans désir de prouver quoi que ce soit d'autre que le plaisir de créer et de se parfaire à chaque nouvelle étape. Ce que tu empruntes aux autres, aux oeuvres ou styles consacrés par le répertoire, provient d'un coup de coeur pour des musiques ou des textes qui te touchent et non d'un désir de récupération stratégique ; tu en fais toujours quelque chose d'original et de personnel, montrant un véritable travail de création.
Souvent, les compositeurs hésitent à se remettre en cause à chaque nouvelle oeuvre et se fient à leurs acquis, quitte à se plagier eux-mêmes, attitude de facilité à laquelle tu tournes naturellement le dos.
Ici, l'atmosphère résolument lumineuse de cette louange séduit dès la première écoute et oblige aussi à réécouter la pièce afin d'y découvrir à chaque fois des "événements" (= formes / motifs) subtilement agencés les uns avec les autres, sans étalage savant mais qui relèvent quand-même d'une science de la composition (dans le sens structuraliste du terme) accomplie. Ainsi, derrière l'apparente facilité du propos, de son naturel surprenant, se dissimule un vrai travail d'écriture qui, comme tout ce qui est réussi, ne se voit / s'entend plus. Et la musique s'offre ainsi à tous, sans décodeur conceptuel pour l'appréhender et l'apprécier.
Amitiés,
Y.R.