Cher François,
Vos remarques sont intéressantes et montrent qu'il y existe une infinité de façons de percevoir, lesquelles divergent sinon ne correspondent pas forcément aux intentions de l'auteur (ni même à l'écoute qu'il a de sa propre création). Comme je me situe souvent du point de vue de l'auditeur, je suis sensible aux approches qui me semblent éloignées de ce que je voulais transmettre et faire ressentir.
La dissociation entre les trois protagonistes - chanteur soliste ; choeur ; piano - dont vous parliez procède d'un effet inattendu, du moins surprenant pour moi. Je ne m'attendais pas du tout à cette critique là, pensant que j'avais su correctement associer les 3 "voix" de ces mélodies, le piano n'étant pas écrit comme simple accompagnement mais comme une voix à part entière.
Le choeur, quant à lui, peut effectivement donner l'impression d'un faire-valoir cantonné à accentuer l'harmonie, en écho au piano ; cette impression là étant vraisemblablement due au fait que le choeur chante le plus souvent une seule syllabe, par principe neutre, et qu'il n'est donc pas un partenaire "lyrique" de même niveau que le chant solo. C'est toutefois oublier qu'il intervient à titre "émotionnel" donc "esthétique" dans le sens grec et initial du terme.Comme il s'agit de poèmes d'amour, au contenu parfois érotisant, ces voix sans visage (car souvent sans texte) relèvent davantage d'un chant intérieur que d'une présence vocale active, dans le sens scénique du terme.
Le choeur se veut comme un écho intemporel aux états d'âme exprimés par la soliste et, dans ce cas précis, une évocation quasi météorologique (les dernières rafales de pluie d'un violent orage, une nuit d'été) d'une relation amoureuse traversée par les angoisses de la nuit, de la perte, de l'éloignement imputables à la mort.
Tout cela n'est pas immédiatement compréhensible, voire perceptible, compte-tenu du fait que ces mélodies sont en réalité des arias qui ont été retirées de leur contexte opératique, pour être données en version concert. Resituées dans l'argument (dramatique, forcément !) de l'opéra (banalement intitulé "L'Eté"), elles recouvrent un sens et les éléments qui les composent également. Mais je ne peux m'y attarder ici pour lever d'éventuels malentendus sur mes intentions,car ne soumettant aux auditeurs que la seule version concert, je ne peux logiquement attendre d'eux qu'une écoute et une analyse en conséquence.
Pour ce qui concerne le piano, je n'ai rien à répondre à la manière dont vous l'avez perçu car j'estime l'avoir particulièrement valorisé, y compris lorsqu'il ne semble pas dialoguer ou fusionner avec le chant. Après tout rien n'oblige le piano à se caler avec le chant. Peut-être a-t-il, lui également, son propre chant à exprimer ?
Merci, en tout cas pour votre écoute attentive et l'acuité avec laquelle vous avez su relier ce dialogue musical et lyrique, ou l'absence de dialogue supposée, avec la notion d'interactions sociales à laquelle je suis particulièrement attaché, en général et en musique notamment.
Amicalement,
Y.R.