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Beethoven serait-il le compositeur classique pré-romantique et tragique par excellence ?
même si son œuvre est parsemée de quelques pages plus heureuses , les sonates, les quatuors les symphonies ne traduisent-elles pas plutôt dans leur ensemble des sentiments sombres et tourmentés ? Pour continuer le fil des commentaires sur "l'hymne à la joie " proposé par Sorges , et dévié sur Beethoven, je propose d'entendre ici la version du sublime Seiji Ozawa dirigeant l’orchestre japonais Saito Kinen et le Chœur de l’opéra de Tokyo : www.dailymotion.com/video/xn6vp_beethove...-la-joie-ozawa_music remarquer l’accord tutti qui clôt l’exposition de l’Ode à la joie est d’une angoisse impressionnante (audio 2’ 42 sur la vidéo Ozawa / dalymotion) : Pour répondre à Chris sur l'emploi de la « grosse caisse et tutti » quanti , dans cette 9 eme symphonie : le final de cette symphonie est écrit dans la logique de son écriture, il devait être exalté ...le trop plein de joie finit parfois dans les percussions et autres cymbales ( Max Reger disait qu'il n'y avait alors qu'une porte de sortie en cas de panique d'écriture pour se re -saisir : écrire une " fugue " ) et enfin ne pensez vous pas qu' on reproche à Beethoven souvent ce qu’on ne reproche jamais à la musique italienne ou à la musique russe ! ? Sur l’œuvre de Beethoven : Ce qu’en pensent les grands musiciens : 1 ) www.hberlioz.com/Writings/ATC02.htm 2 ) www.andurand.net/HdA/premiereL/ArtEngage...esparlesartistes.pdf |
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Emilie écrit:
Beethoven [...] Max Reger disait qu'il n'y avait alors qu'une porte de sortie en cas de panique d'écriture pour se re -saisir : écrire une " fugue " [...] Bonjour Emilie, Dur de terminer par une fugue, alors que le Finale en comporte déjà deux : - Une bataille livrée à l'orchestre en réponse à la marche "Froh, froh wie seine Sonnen fliegen durch des Himmels prächt'gen Plan (Beethoven y démontre que l'expression héroïque et - Une grande fugue chorale sur "Seid umschlungen, Millionen !", où, au contraire, le vecteur privilégié d'une émotion quasi religieuse est la forme consacrée par la tradition de la musique d'Eglise, à savoir la fugue, convoquée ici pour une célébration au sens premier du mot. Je retiendrais donc une maîtrise parfaite de l'emploi de formes très différentes pour servir un discours fondamentalement dialectique : montrer le passage initiatique d'une joie triviale et guerrière à un triomphe humaniste, attestant la filiation divine de l'entendement humain, et c'est de cette initiation (qui ne diffère pas beaucoup par l'esprit de certaines cantates maçonniques de Mozart) que Beethoven tire sa révélation de la vraie joie, qui transcende tout, et c'est ce qu'il a d'universel et d'intemporel à nous léguer... Qu'en pensez-vous ? |
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Chris écrit:
Emilie écrit: Beethoven [...] Max Reger disait qu'il n'y avait alors qu'une porte de sortie en cas de panique d'écriture pour se re -saisir : écrire une " fugue " [...] Bonjour Emilie, Dur de terminer par une fugue, alors que le Finale en comporte déjà deux : - Une bataille livrée à l'orchestre en réponse à la marche "Froh, froh wie seine Sonnen fliegen durch des Himmels prächt'gen Plan (Beethoven y démontre que l'expression héroïque et dramatique - non tragique, ce qui serait ici un contresens ! - se fait pour lui idéalement par l'orchestre, et non par les voix). - Une grande fugue chorale sur "Seid umschlungen, Millionen !", où, au contraire, le vecteur privilégié d'une émotion quasi religieuse est la forme consacrée par la tradition de la musique d'Eglise, à savoir la fugue, convoquée ici pour une célébration au sens premier du mot. Je retiendrais donc une maîtrise parfaite de l'emploi de formes très différentes pour servir un discours fondamentalement dialectique : montrer le passage initiatique d'une joie triviale et guerrière à un triomphe humaniste, attestant la filiation divine de l'entendement humain, et c'est de cette initiation (qui ne diffère pas beaucoup par l'esprit de certaines cantates maçonniques de Mozart) que Beethoven tire sa révélation de la vraie joie, qui transcende tout, et c'est ce qu'il a d'universel et d'intemporel à nous léguer... Qu'en pensez-vous ? |
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J'ajoute au message précédent, que l'auteur tragique par excellence me paraîtrait plutôt être Schubert, qui plante son décor dans des termes proches des énoncés beethovéniens (y compris dans son idiome orchestral caractéristique), mais qui ne résoud pas le drame, ou très difficilement.
Il n'y a presque jamais de péroraison dans le discours de Schubert : faut-il y voir la raison du grand nombre d'ébauches abandonnées brusquement en l'état, comme aveu d'une certaine impasse ? La frustration est aussi le décor que laisse Schubert dans pas mal d'ouvrages... |
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Bonsoir Chris, Il est vrai que Beethoven maîtrisait admirablement la forme musicale, et ici dans la neuvième symphonie nous en sommes vraiment témoins. Cependant le fait que le finale dont la dimension est démesurée, contienne des fugues (ou fugato) est assez parlant, cela conforte l'impression que donne Beethoven : à savoir sa volonté de maîtriser l’écriture … ( Oui bien sûr, l’allusion au mot de Reger allait dans ce sens, même si la complexité formelle du Finale dépasse de beaucoup cette citation de Reger ) En tous cas note analytique me semble très juste : « Je retiendrais donc une maîtrise parfaite de l'emploi de formes très différentes pour servir un discours fondamentalement dialectique : montrer le passage initiatique d'une joie triviale et guerrière à un triomphe humaniste, attestant la filiation divine de l'entendement humain, et c'est de cette initiation (qui ne diffère pas beaucoup par l'esprit de certaines cantates maçonniques de Mozart) que Beethoven tire sa révélation de la vraie joie, qui transcende tout, et c'est ce qu'il a d'universel et d'intemporel à nous léguer... » à propos de Schubert vous dites : Il n'y a presque jamais de péroraison dans le discours de Schubert : faut-il y voir la raison du grand nombre d'ébauches abandonnées brusquement en l'état, comme aveu d'une certaine impasse ? Le grand nombre d'ébauches n'est-il pas aussi le fait d'un artiste à la fois inspiré, et trop impatient d'achever son ouvrage ou trop révérencieux envers une école, celle de ses propres maîtres ( Salieri, Beethoven, Mozart ) ... n’a t il pas subi aussi de trop près le génie écrasant d’un Beethoven ? Composer "Sonates" "Symphonies" après (ou quaisment en même temps) que Beethoven ? ou "des tragédies lyriques et opéras après Salieri ? reste difficile... Comment trouver sa place c'est à dire sa plume originale ? Je dirais qu'il l'a trouvé certainement sa voie dans la mélodie, le lied les oeuvres de musique de chambre...aussi. Ces sonates et surtout ses impromptus pour piano sont souvent merveilleusement mélodiques. Les ébauches , je préfère "esquisses"...peuvent être aussi des chefs d'oeuvre en puissance, reste à les décrypter. Le temps lui a t-il fait défaut ? - il meurt à 31 ans seulement , et peu de temps après Beethoven finalement... Schubert préfère les fins suspensives, ou les pièces inachevées, mais même dans le déroulement de l'action ou de l'expression, il ne semble pas choisir, "clair-obscur", majeur-mineur.C'est peut-être là tout son charme. |
Dernière édition: il y a 12 ans, 9 mois par Emilie.
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Emilie écrit:
Les ébauches , je préfère "esquisses"...peuvent être aussi des chefs d'oeuvre en puissance, reste à les décrypter. Le temps lui a t-il fait défaut [...à Schubert] ? - il meurt à 31 ans seulement , et peu de temps après Beethoven finalement... Schubert préfère les fins suspensives, ou les pièces inachevées, mais même dans le déroulement de l'action ou de l'expression, il ne semble pas choisir, "clair-obscur", majeur-mineur.C'est peut-être là tout son charme. Par esquisse, je serai tenté de comprendre : des notes jetées sur un coin de table, pour tenter de figer "l'idée" musicale, cette maîtresse volage qui s'en va ailleurs sitôt qu'elle a exercé sur vous son pouvoir instantané de séduction L'ébauche serait la réutilisation déjà élaborée de l'esquisse (ou premier jet) dans une "forme" quelconque à laquelle elle s'invite ultérieurement par ses caractéristiques expressives propres Or, je retrouve là la distinction fondamentale entre les processus créateurs de Beethoven et de Schubert : pour ce finale "Ode à la Joie", il n'existe pas moins de 220 esquisses, portant principalement sur la fameuse cantilène pourtant d'apparence si simpliste - nous sommes donc en présence d'une "appropriation du matériau thématique" qui ne se rendra finalement (!) qu'aux assauts de la forme musicale, au prix de combats multiples et acharnés ; par contre, chez Schubert, comme vous le dites fort justement, une certaine spontanéité est la règle, qui s'accommode bien plus facilement de la forme "cernée" de l'illustration poétique dans les Lieder, que d'une élaboration formelle réfléchie, telle que celle qui s'impose pour des formes amples, telles que les symphonies... J'ajoute entre parenthèses que Schubert semble s'être très précocement "absenté" de la forme du concerto de soliste, qui est en fait, à l'époque du classicisme finissant, la conjugaison de deux contraintes parfaitement assimilées par Beethoven : la "traque thématique", pour faire cracher à la mélodie la plus basique des développements énormes et imprévus, et la structure dialectique de la pensée (opposition rationnelle du soliste et de l'orchestre, toujours magistrale chez lui...) Inversement à cette proposition de comparaison, il est bien connu que Beethoven n'est pas autant souverain dans les "petites formes", ou dans des recueils "cycliques", comme si, chez lui, l'idée première devait toujours par définition renverser les barrières dans une transgression jaillissante Bref, la symphonie et l'orchestre sont le terrain de prédilection de l'un, et la poésie intimiste celui de l'autre (pour prendre une image rigolote et anachronique : on ne se met pas en tête de faire coureur à vélo avec des cuisses de mouche ) La difficulté arrive lorsque l'un ou l'autre pour des motifs divers, s'aventurent sur un terrain inadapté à leur pratique naturellement préférentielle Vous remarquerez que je n'ai pas besoin de soutenir un tel raisonnement par une commode béquille "hiérarchique" : Schubert n'est pas un nain formel qui vivrait des problèmes existentiels causés par la super-nova Beethoven - je les considère à égalité comme deux étoiles de même magnitude, même si l'une brille d'une lumière blanche et explosive, et l'autre d'une douce lumière rouge par moments un peu crépusculaire... Heureusement, il nous reste la poésie de ce ciel rempli d'étoiles, de ces deux-là, et de beaucoup, beaucoup d'autres, non moins belles... |
Dernière édition: il y a 12 ans, 9 mois par . Raison: Correction typographique
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