Je ne dirai pas que les musiques atonales soient tout le temps dans le mouvement. D'une part parce que ça dépend vraiment des pièces (écoutez Le Noir de l'Etoile, de Grisey, ou encore Jour Contre-Jour, encore une de mes pièces préférées, le mouvement en est quasiment absent ! mais c'est un exemple extrême, bien sûr), d'autre part parce que le mouvement n'est jamais tant dans la musique que dans l'attention de l'auditeur. C'est ce vers quoi je tends dans toutes mes recherches : c'est l'auditeur qui fait ce qu'il entend : à chercher des rapports (fonctionnels ou causaux) de note à note, ou d'accord à accord, dans des musiques comme celles de Xenakis par exemple, on n'y trouve bien sûr pas le moindre repos, que du mouvement. C'est que la dialectique repos-mouvement s'y trouve ailleurs, à un niveau un peu plus large, dans des groupes. Ce qui fait (et Boulez l'a dit explicitement, et Stockhausen l'a même expliqué en faisant une analyse rétrospective de son premier Klavierstücke) que l'écoute doit être rétrospective, puisque le groupe n'est finalement formé qu'une fois qu'il a été exposé en entier. Et l'anticipation se fait de la même manière, non pas sur ce qui vient juste après, mais sur une forme plus globale, peut-être un processus, peut-être un groupe qui vient.
J'ai l'impression maintenant que ce sont vraiment les restes des quelques années qu'a duré le sérialisme généralisé qui donnent ces "stéréotypes" de la musique contemporaine comme "grisaille" ou indifférenciation, alors que les productions sont très différentes les unes des autres, et que le lyrisme (la causalité de note à note, en fait) n'est pas absent des musiques atonales.
Je ne postulerai pas sur votre âge, mais j'imagine que l'épisode du GRM date quelque peu. Cela fait un moment que la mélodie (pas nécessairement tonale) est revenue dans le langage des compositeurs. Mais il reste, comme je me dis souvent en composant, que si je veux utiliser la modalité (ou encore plus la tonalité) dans une composition, il faut bien que je sache pourquoi je le fais, puisqu'il s'agit de se reposer sur un système préétabli, qui va nécessairement dominer à l'écoute et rabattre le reste au rang d'effet, par contraste figure-fond. La question est difficile.
Je me permets de vous reposer ma question du début : est-ce Stockhausen a mentionné explicitement un lien entre Gesang et les chambres à gaz ? Je vais parler (brièvement mais quand même) de l'oeuvre à mes étudiants cette année, et ce serait un point intéressant à mentionner s'il est validé.