17. Satie - Songe creux (CS JV JV JV)
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18. Final Fantasy IX - The place I'll return to someday (JV CS JV)
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Commentaires et discussions
I.
D'abord, il faut remarquer que sur les 18 extraits proposés, 5 ont fait l'unanimité quand à leur appartenance. Et sur ces 5 unanimités, seules deux (les extraits 11 et 13) se trouvent orientées dans le bon sens. L'extrait 10, issu d'un jeu vidéo, a été généralement jugé comme composition sérieuse, tandis que les extraits 12 et 14, respectivement issu de Honegger et Satie, sont jugés comme de la musique de jeu vidéo. Le reste des extraits voit les gens partagés de manière plus ou moins orientée.
II.
Parmi les participants, et sans compter les réponses résultant de la reconnaissance d'un extrait, on reste entre 35% et 65% de bonnes réponses. La première réaction consisterait à dire que ces résultats ne sont pas loin de ceux donnés par le hasard, mais il nous faudrait d'une part étudier une population plus grande et d'autre part des extraits plus variés pour pouvoir généraliser ceci.
III.
Cela m'amène à parler du choix des extraits : j'ai tiré tous ceux-ci des jeux vidéo de la série Final Fantasy. Cela est très important, dans le sens où comme on l'a abordé dans les discussions, on ne peut pas parler
du jeu vidéo, mais plutôt
des jeux vidéo, les esthétiques associées étant très variées. Il suffit pour comprendre cela de comparer ces musiques au thème de Mario Bros. ou au design musical de Call of Duty par exemple.
Si j'ai choisi les Final Fantasy, c'est (outre le fait que ce sont les jeux que je connais le mieux) que la comparaison entre musique de jeu vidéo et musique "sérieuse" ou musique "classique" ne peut se faire avec pertinence que dans le cas de la musique de jeux vidéo RPG (role-playing game).
Ce style particulier (consistant en l'incarnation par le joueur d'un ou de plusieurs personnages qui voyagent dans un monde en général vaste, développant une intrigue générale et souvent de nombreuses sous-intrigues qui peuvent participer à mieux comprendre la narration) utilise en effet en général des musiques de type orchestral (bien que parfois en parallèle ou en mélange avec des musiques plus populaires comme du rock ou du metal), inspirés des styles de musique sérieuse du début du XXe siècle, ce qui permet de comprendre la confusion qu'il y a pu y avoir dans les réponses pour certaines pièces comme celle d'Honegger.
IV.
Les extraits présentés sont de plus des versions orchestrales de pièces étant à l'origine des fichiers MIDI intégrés au CD du jeu vidéo et joués par la carte son de la Playstation ou de l'ordinateur (excepté To Zanarkand, étant donné que FFX est sorti sur la PlayStation2 - dans ce cas, il s'agit de l'orchestration d'une pièce présentée à l'origine pour piano dans le jeu vidéo).
On peut donc se dire que dans ce cas, ce ne sont pas des musiques de jeu vidéo mais bien des musiques orchestrales qui ont été présentées comme extrait. La question est beaucoup plus large et ramène à mon post sur les rapports entre esthétiques et contingences techniques. Si Nobuo Uematsu a utilisé le MIDI dans les Final Fantasy sur PlayStation, c'est pour deux raisons : d'abord, il souhaitait conservait la couleur sonore des FF malgré le changement de console (les FF jusqu'au 6 se jouant sur Nintendo) ; ensuite, il ne pouvait pas intégrer quatre heures de musique enregistrée dans le jeu vidéo, sous peine de ne plus avoir de place pour la gestion graphique.
[remarque annexe : le fait qu'il y ait eu quatre heures de musique pour un jeu vidéo, ce qui peut-être vous paraîtra tout à fait hyperproductif et antiartistique, est dû à la durée de vie des jeux vidéo Final Fantasy : le minimum d'heures passées à jouer pour terminer le jeu (sans la solution devant les yeux et sans tricher) est environ 40 heures ; si le joueur souhaitent terminer le jeu, mais aussi les sous-quêtes et développer la narration et les intrigues dans leur entier, il faut compter une centaine d'heures, voire plus. Quatre heures de musique différente sont donc nécessaires à éviter l'ennui du joueur et la redondance du jeu.]
V.
La durée des extraits a aussi été choisie en tenant compte du format imposé par le jeu vidéo. Si une musique autonome peut se développer et proposer de nombreuses variations sur un temps aussi long qu'elle le souhaite, le gameplay du jeu vidéo RPG ne permet souvent pas cela. Le joueur va entrer dans une "pièce" ou un "lieu" particulier, qui va être plongé dans sa propre couleur musicale. Mais le joueur ne va pas rester dans ce lieu uniquement pour écouter la musique. Il peut aller directement vers la pièce suivante, ou bien explorer le lieu actuel pendant longtemps. La musique pour ce genre de lieu doit donc pouvoir être mise en boucle, et la boucle ne doit pas être plus longue que le temps moyen d'exploration du lieu.
Il est évident que si j'avais présenté ici des extraits dans leur version MIDI d'origine, et intégralement, le choix aurait été bien plus facile pour vous pour la plupart des extraits. Mais pas pour d'autres : les RPG contiennent souvent des "scènes cinématiques" ou "full-motion video" dans lesquelles le joueur n'a aucun contrôle sur les personnages, et n'est qu'un observateur comme au cinéma. Dans ces cas, la musique est écrite comme pour le cinéma, en fonction de la durée de la vidéo. C'est le cas de l'Introduction de FFVII ou des extraits 15 et 16 tirés de la scène d'opéra de FFVI.
Enfin, pour un dernier type de musique, le choix aurait été évident. Les musiques que Zach Whalen appelle métonymique, qui consiste à créer la syntaxe du jeu : quand un combat commence dans FFVII, on a un bruit blanc modulé qui nous surprend pour déclarer le début du combat. La musique de combat est ensuite de type "lieu", mise en boucle mais assez longue pour ne pas énerver le joueur. Quand le combat est fini, on a alors une "fanfare" de quelques secondes qui annoncent la victoire, avant d'enchaîner sur la musique d'ambiance des menus d'expérience, mise en boucle mais beaucoup plus courte car le joueur n'est pas censé s'attarder sur ces écrans. La musique "Good Night Until Tomorrow", dans FFVII aussi, dure quelques secondes à peine et annonce le sommeil et le repos des personnages.
Conclusion
La question est extrêmement large, mais ce test a pu montrer, je pense, que musique de jeu vidéo ne signifie pas nécessairement musique de moins bonne qualité. Il est possible que le thème de Tifa (dont Yves a dit que c'était "une mélodie sirupeuse, écrite sur un coin de table d'un bar, à l'heure du happy hour pour servir de fond sonore à une scène des "Feux de l'Amour"", quand je lui ai présenté avec le titre et l'origine) aurait été perçu et commenté très différemment si j'avais dit que c'était une composition de moi, ou si je l'avais inclus dans les extraits ici.
Ceci a été démontré par Karen Collins (une chercheuse spécialisée dans le design sonore et musical des jeux vidéo aux Etats Unis) : présentez une musique de jeu vidéo à des musicologues sans leur dire d'où elle vient, vous aurez beaucoup de retours positifs et argumentés. Dites-leur d'où elle vient, et les gens se renfrognent tout de suite et affirment que la musique est "inférieure".
De plus, les commentaires que je viens de faire souhaitent montrer qu'on ne peut pas généraliser "musique de jeu vidéo" comme un style ou une esthétique particulière. En revanche, en précisant que l'on parle des RPG, on peut distinguer plusieurs esthétiques particulières propres à ce genre, ainsi que d'autres qui sont empruntées à la musique de film ou de concert.
Merci à tous ceux qui se sont prêtés au jeu et qui ont débattu sur le sujet ! N'hésitez pas à continuer !