Bonjour Nicolas,
En lisant votre court message 850, je vois que l’on va peut-être arriver au cœur du sujet! Il s’agit, à mon sens, des domaines divers dans lesquels s’est répandue l’électro-acoustique. Une caractéristique du monde moderne, est la remise en question permanente dans tous les domaines, ce qui est une excellente chose pour le développement des connaissances, mais comporte aussi ses dangers dans la perte des valeurs et des risques de confusion des genres. Dans le domaine artistique on peut arriver à des aberrations comme on en a vécu en peinture comme en musique : spectateurs s’extasiant devant des toiles vierges, auditeur « écoutant » du silence ; ce sont là des cas extrêmes et il y a beaucoup de stades intermédiaires avant d’y arriver…D’où la nécessité d’essayer de cerner les domaines sans être pour autant traité de pontife, de nazi ou que sais-je encore, y compris lorsque l’on parle d’électro-acoustique.
Pour en revenir au sujet, prenons votre pièce Death Note. D’emblée, je dirais qu’elle se distingue de la majorité des pièces entendues sur « Electromania » par une moindre prégnance de bruits électroniques et par la force émotionnelle qui s’en dégage. Il y a, à mon avis, mélange entre passages ayant un caractère musical plus ou moins affirmé et passages de bruitage nettement caractérisé. Ce mélange en soi n’est aucunement répréhensible et il est tout à fait apte à produire des émotions, puisque la musique comme le bruitage peuvent produire des émotions. C’est une option pleinement justifiée. D’ailleurs les compositeurs n’ont pas attendu l’électro-acoustique pour explorer cette possibilité : bruits de tonnerre, de canons, chants d’oiseau etc. L’usage de la voix parlée n’est pas nouveau non plus, à commencer par le traitement de la voix dans Pelléas et plus tard dans le Sprechgesang chez Schoenberg, de certaines pièces de Penderecki, Bério etc. Mais cela s’est toujours fait avec un accompagnement musical affirmé.
Alors, de quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une possibilité peu explorée, à ma connaissance tout au moins, de produire, par les techniques électroacoustiques,une musique dans laquelle la « sensation électronique » serait complètement gommée, et n’utilisant que des sons musicaux, sans bruitages, sans voix parlées, et techniquement construites orchestralement à l’exemple des pièces orchestrales actuelles intéressantes, avec la même ouverture vers des styles différents, et bénéficiant de l’extension précieuse permise par l’absence de contraintes instrumentales. Je dirais donc qu’il s’agit d’orchestrer, comme on le fait pour les orchestres acoustiques, avec l’orchestre électro-acoustique. L’orchestrateur pour l’orchestre acoustique agence les sons musicaux émis par les instruments acoustiques et l’orchestrateur électroacoustique agencerait les sons de la même manière, avec un gain de possibilités supérieures, avec des sons musicaux produits par l’électro-acoustique. Il n’y aurait pas une différence fondamentale de nature, mais une plus grande ouverture. Une vraie difficulté consiste à arriver au consensus concernant les sons musicaux produits par l’électro-acoustique. Lorsque l’on considère que les sons musicaux utilisés en musique classique occidentale sont produits par des instruments acoustiques relativement peu nombreux, fruits de la tradition et de l’expérience, il convient d’être prudents en proposant des sons nouveaux. Cependant l’électro-acoustique a largement prouvé sa capacité à produire des sons séduisants, on peut donc être optimistes. Une autre difficulté se trouve dans la notation et la transmission, mais c’est un autre sujet.
J’espère avoir un peu précisé mon idée, mais le domaine étant complexe je suppose que la discussion n’est pas close….