Le premier mouvement se démarque nettement des deux autres par son style résolument moderniste, son approche presque atonale et sa rythmique usant de contrastes forts qui nécessiteront une mise en place rigoureuse de la part des instrumentiste. Il m'a semblé que certains passages du piano demandaient une virtuosité inusitée et je m'interroge sur leur faisabilité, dans le tempo requis en tout cas.
Mon tempérament me pousse à apprécier les deux autres mouvements qui, me semble-t-il, expriment avec plus de justesse et de raffinement le postulat poétique de l'oeuvre, l'atmosphère de l'image qui nous est présentée : une jeune japonaise qu'on imagine rêveuse dans un jardin planté au bord d'un vaste plan d'eau.
Les articulations sont utilisées, non-pas pour faire la démonstration des possibilités techniques instrumentales mais, dans un souci constant d'expressivité, au seul service du discours poétique. Celui-ci s'avère fluide, usant de motifs qui permettent aux instruments de dialoguer, d'entremêler leur voix et qui se closent souvent par des accords tenus, apaisant et détendant alors la musique et l'écoute. J'apprécie le rôle du piano qui, modestement, répond aux deux autres instruments, en répétant, avec quelques temps de décalage, les motifs que ceux-ci viennent d'exposer. C'est un parti-pris hiérarchique qui structure l'oeuvre en conférant des tempéraments différents aux protagonistes sonores.
J'aime tout particulièrement le troisième mouvement, véritable hommage à l'art de la suggestion des estampes japonaises, tout en nuances. Partant, comme souvent chez son auteur, d'un motif simple, qui n'a l'air de rien à la première exposition, il crée une sorte de narration, par le jeu des variations, l'enrichissement du tissu sonore et le dialogue instrumental. Les deux passages où le piano se réduit à scander le tempo à l'aide de notes brèves et scintillantes, frappées doucement à contretemps, tandis que les deux vents chantent au-dessus de lui, sont des moments de grâce et de poésie intenses par leur dépouillement et la justesse de leur ambiance : on y perçoit alors le coeur de l'esthétique et de la sensualité des peintres d'estampes paysagères japonais, sachant suggérer plus que de montrer, laissant au spectateur - ici auditeur - le soin d'imaginer le lieu et la scène qui s'y déroule.
Bravo !
Amitiés,
Yves