Sans pour autant regretter la richesse des combinaisons sonores qu'un "mélange" entre bois et cuivre aurait permis, on imagine qu'à partir d'un matériau musical aussi brillant, on aurait alors assisté à un feu d'artifice quasi-symphonique.
La construction de la pièce est faite de motifs rythmiques enlevés, dans lesquels le compositeur fait dialoguer les instruments concernés avec brio, alternant avec des plages d'accords qui semblent conclure, sans pour autant toujours "résoudre" lesdits motifs concertants. Car on joue avec l'attente de l'auditeur qui se demande, au fil du récit, comment va se "résoudre" ce qui ressemble, au sens étymologique du mot, à un concerto. Mais le compositeur ne semble pas vouloir satisfaire notre attente en adoptant une attitude de détachement vis-à-vis de son effectif. En effet, il récuse tout épanchement lyrique que l'on confierait à la plainte d'un bois, bien que certains passages au hautbois ou à la flûte soient écrits telle une mélodie chantée par une voix humaine. Cette suggestion de lyrisme vient tempérer une apparente froideur stylistique qui est, en réalité, de la retenue.
On sent que l'atmosphère voulue par le compositeur et qui rappelle un peu celle du "Bois d'Orford", prenne ici l'apparence d'un hommage discret à la musique de cour de la Renaissance, avec des accents de chasse à courre et de pompe royale, si l'on en croit les titres donnés à certains passages du morceau. On n'est cependant pas dans l'imitation, mais dans la suggestion, le style de l'auteur étant parfaitement reconnaissable et libre d'exprimer sa spécificité.
Cette liberté de poser un regard contemporain sur une époque révolue, presque rêvée, n'est pas sans rappeler l'esthétique du second Stravinsky, pas celui du "Sacre" mais l'amoureux de la musique du XVIIIème siècle, cherchant à redonner un souffle nouveau à une musique considérée par lui comme un âge d'or de la culture européenne. Toutefois, avec ce "Doubles vents dans les montagnes", c'est une esthétique classique, certes d'inspiration européenne, mais surtout revigorée par un regard d'outre-Atlantique, qui se manifeste.
Car on ne saurait trouver d'équivalent ici à cet apparent hommage "américain" à la musique de cour du Vieux Continent, avec ses Entrées solennelles et ses passages dansants, dissimulant le sérieux du propos sous d'apparentes frivolités. L'on est bien dans les montagnes nord-américaines chères au cœur du compositeur et il s'agit bien d'une œuvre s'affranchissant des canons esthétiques européens qui nous propose à nous, auditeurs européens, un hommage à la propre tradition musicale nord-américaine, une sorte de miroir de notre propre nostalgie.
Amitiés,
Yves