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TOPIC: "Suite symphonique II" (ex Thanatos II)

---Re: Re: "Suite symphonique II" (ex Thanatos II) 12 years ago #727

  • Chris
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Les "grands qui ont fait leur temps" ?

Quelle curieuse expression ! Qu'elle me paraît contraire à mon vécu !

Je suis comme un arbre, dont les racines nourricières plongent dans le passé, et je ne vois pas dans cet inépuisable source de motivation ce qui serait constitutif d'une "adoration des images"

C'en est à un tel point de symbiose et de proximité, que je ne suis jamais fatigué de découvrir sans cesse de nouveaux horizons dans ce passé auquel je suis adossé : pour tout dire, je suis très fier lorsqu'une personne (que j'apprécie) me dit que quand je parle avec passion de Beethoven, pour ne citer que celui-là, on jurerait que je l'ai connu, tant je l'aborde comme un sujet actuel, vivant, en plein devenir, bref, intemporel...

Vous êtes très jeune, Nicolas, et moi, j'arrive vers la fin de ma vie, mais très sincèrement, vous ne devriez pas parler comme vous le faites de ceux qui ont fait leur temps...

Souffrez que je continue à les vénérer, puisque ce sont eux qui m'ont fait, et qui continuent à nourrir mon imaginaire au quotidien...
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---Re: Re: "Suite symphonique II" (ex Thanatos II) 12 years ago #728

  • bricas
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François,

Je ne connaissais pas le terme de « préjudicieux » qui ne figure pas dans mes dictionnaires. Sans doute s’agit-il d’un de ces termes savoureux en vigueur au Canada ! En France, l’habitude est de dire « préjudiciable». En tous cas, ce qui pourrait être préjudiciable en l’occurrence, ce serait d’affirmer que la musique actuelle est de moins en moins belle, mais certainement pas de remarquer que le terme de « beau » lui est peu appliqué lorsqu’on en parle. C’est en tout cas ce qui me frappe dans tous les commentaires qu’il m’arrive de lire ou d’entendre. Je ne pense pas que l’on puisse me suspecter de ne pas trouver belles certaines musiques actuelles : voyez mes commentaires sur ce site et sur le précédent à propos de Salonen- Escaisch –Scelsi –Dutilleux – Connesson et bien d’autres.

---Re: Re: "Suite symphonique II" (ex Thanatos II) 12 years ago #729

  • nicolasmarty
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Cher François,

Je vous referai mes propos en 3D pour mieux les voir couler à la suite de notre cher Titanic

Plus sérieusement : ça m'a choqué de voir il y a quelques années, quand j'avais encore la TV, qu'on présentait un jeune chinois qui écrivait des pièces orchestrales dans le style de Mozart comme un "compositeur" contemporain, au journal du soir, alors que n'importe quel étudiant en écriture au conservatoire aurait pu en faire autant et n'aurait pas prétendu composer.

Les techniques ne sont pas à jeter, ni les cadences, et (surtout) ni les compositeurs bien heureusement, mais il ne faut pas non plus les placer en idéaux à atteindre. Vous le savez, vous qui n'avez pas suivi Beethoven chez lui en lui composant un hommage. Le post-modernisme est louable, il ne faut simplement pas qu'il devienne de l'écriture "dans le style de"...

En fait, tout le monde connaît Bach et Mozart, Beethoven, Chopin, etc., même les non-musiciens, mais commencez à parler de Messiaen, puis de Bartok, de Berio, de Ligeti, de Sciarinno, de Mantovani et ça y est, vous avez perdu tout le monde, comme si les compositeurs d'autrefois étaient beaucoup plus méritants de l'attention des gens (c'est aussi probablement du au fait qu'ils sont beaucoup moins nombreux dans les mémoires que les centaines de compositeurs d'aujourd'hui...).

Donc, je maintiens ma position selon laquelle le temps de Bach "est fait", ce qui n'empêche pas qu'un intérêt historique et musicologique (et non de recherche compositionnelle ou de création) puisse nous amener à découvrir avec bonheur d'autres oeuvres de ce compositeur, sans pour autant justifier des pratiques actuelles par des pratiques datées (Sorges, à l'ouverture de ce forum, justifiait la mise en place de nombreux ostinatos suivis, par le fait que "des compositeurs parmi les plus grands" utilisaient cette technique : il ne voulait pas dire Boulez ou Murail...).

Enfin, pardon pour ma formulation qui pouvait faire penser que je souhaitais qu'on laisse les morts là où ils sont. Ca n'est pas ma position. Ils sont source d'inspiration, mais ne doivent simplement pas être refaits par d'autres.

---Re: Re: "Suite symphonique II" (ex Thanatos II) 12 years ago #730

  • nicolasmarty
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Pour ce qui est de la musique actuelle parfois dite "de moins en moins belle", c'est quelque chose qui, espérons-le, passera. C'est du à une réaction défensive des auditoires face à une beauté qui est plus kinesthésique ou plus haptique que syntaxique. Quand les auditoires non-experts arrêteront d'y chercher une syntaxe harmonique et mélodique, ça ira mieux (espérons-le, encore une fois).

---Re: Re: "Suite symphonique II" (ex Thanatos II) 12 years ago #731

  • Chris
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nicolasmarty wrote:
C'est du à une réaction défensive des auditoires face à une beauté qui est plus kinesthésique ou plus haptique que syntaxique. Quand les auditoires non-experts arrêteront d'y chercher une syntaxe harmonique et mélodique, ça ira mieux (espérons-le, encore une fois).

Donc, si je comprends bien, si je trouve quelque chose de beau, c'est par habituation, et si je ressens quelque chose de "moins" beau, c'est par par incompréhension, bref, dans les deux cas, ma subjectivité m'aveuglant sur la réalité de la valeur esthétique de l'objet, il me faut en déduire qu'il existe a contrario une valeur esthétique absolue, qui m'est inaccessible...

Et l'émotion, dans tout ce charabia ?

Avez-vous personnellement testé ce que vous affirmez, et sinon, comment pouvez-vous être aussi affirmatif ?

La phrase "Quand les auditoires non-experts arrêteront d'y chercher une syntaxe harmonique et mélodique, ça ira mieux" est un jugement de type présomptif : en fait, vous ne pouvez pas savoir ce que recherchent ces non-experts (au fait, non-expert par rapport à quelle science de l'harmonie ?), et de ce que vous posez arbitrairement comme leur attente à l'égard de l'objet musical, déduire non moins arbitrairement ce qu'il en adviendrait en cas de modification de leur attitude à l'égard dudit objet, et enfin, encore moins d'apposer un jugement de valeur définitif en aval de ce "raisonnement" : "ça ira mieux..."

Est-il besoin d'être cuisinier pour dire d'un plat que l'on vient de goûter : "j'aime, un peu, beaucoup, pas du tout" ? Suis-je "sans goût" si je préfère un steack-frites à la nouvelle cuisine, ou le boui-boui du coin à un restau étoilé ?

Quand les auditoires non-experts arrêteront... et bien, j'ai un embryon de réponse : "les poules auront des dents", à n'en point douter, et c'est très bien ainsi, me semble-t-il !
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---Re: Re: "Suite symphonique II" (ex Thanatos II) 12 years ago #732

  • nicolasmarty
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Vous partez bien vite sur la défensive en me présumant des jugements de valeur esthétiques, dont je me garde bien toujours, comme de dire que quelque chose est de l'Art et qu'autre chose n'en est pas. Rien n'a une valeur esthétique propre. Ce qui ira mieux, c'est qu'on arrêtera d'entendre des jugements comme "moui c'est conceptuel" ou alors "c'est pas beau", "c'est pas de la musique", "c'est du bruit", "on dirait un chat qui miaule", etc.

Si on trouve quelque chose beau ou de laid, c'est soit par habituation (c'est le cas des jugements qui rejettent la musique non tonale), soit grâce à sa valeur kinesthésique (l' "enveloppe proto-narrative" composée de vecteurs dynamiques - voir Imberty à ce sujet) qui induit la résonance de l'enveloppe temporelle de la pièce avec l'enveloppe temporelle des sentiments subjectifs.

Je n'ai pas eu besoin de tester ce que j'affirme (bien que j'en ai fait l'expérience en passant de la position classique : "c'est pas de la musique, c'est fait pour ceux qui savent pas composer de la vraie musique" ; à la position plus reculée : "c'est de la musique, puisque c'est fait pour en être. maintenant qu'est-ce qu'on peut y trouver ?"). D'autres l'ont testé pour moi (Imberty, justement, le laboratoire du MIM qui travaille sur les Unités Sémiotiques Temporelles depuis plus de dix ans, les divers chercheurs en psychologie de la musique, etc. Accordez-moi un peu de crédibilité (ou informez-vous sur mon expérience) avant de supposer que j'affirme des choses sans les savoir.

"Non-experts" est l'appellation reconnue en psychologie de la musique pour désigner les populations qui n'ont pas reçu de formation explicite dans le domaine dont on parle. Ici, les non-experts sont ceux qui n'ont pas appris et/ou étudié la musique contemporaine. Et on sait très bien ce que recherchent les non-experts : quand on ne connait pas quelque chose, on le perçoit et le conçoit en fonction de ce qu'on connaît (règle de base de psychologie cognitive), donc quand quelqu'un qui n'a entendu que de la musique tonale, modale, ou tonomodale dans sa vie, se met à écouter une pièce contemporaine athématique (spectrale, par exemple, ou électroacoustique), il y recherche les variations des mêmes variables qu'il sait distinguer : mélodie, harmonie, pulsation (principalement). et ça n'est pas comme ça qu'il pourra apprécier ce genre de musique, cela le conduisant seulement à la considérer d'un point de vue de manque : il n'y a pas de mélodie, pas d'harmonie, pas de rythme ; cela plutôt que de voir qu'il y a un travail de timbre absolument magnifique et des gestes spectraux surexpressifs qu'il ne ressent pas parce que ce genre de gestes ne fait pas partie de sa conception de la musique. C'est une raison similaire pour laquelle nous, bons auditeurs occidentaux, ne comprenons pas la moitié de la musique japonaise : parce qu'on n'écoute que nos propres variables.

Il n'est pas besoin d'être cuisinier pour savoir dire qu'on aime ou qu'on aime pas, mais de là à savoir expliquer pourquoi... Et la métaphore ne tient pas plus loin que ça, parce que si les goûts sont formés eux aussi, ils font l'objet de réactions physiologiques assez claires (l'envie de vomir donnée par certains plats à certaines personnes), alors que, comme Francès l'a montré dans une de ses expériences (voir dans la fiche de lecture), les divers degrés de consonance-dissonance ne font pas l'objet de telles réactions, bien qu'il y ait des divergences au niveau des goûts. Dans le cas de la musique contemporain qui joue par gestes kinesthésiques, il devrait y avoir une réaction physiologique, à partir du moment où le geste est l'imitation d'un geste écologique (cela n'a pas été testé, que je sache, mais ce serait intéressant). S'il n'y avait pas de réaction de ce type chez les auditeurs non-experts, ce serait probablement parce qu'il écouterait la syntaxe et non le son.

Ce qui ne signifie pas non plus qu'un goût est meilleur qu'un autre. Simplement qu'avant de rejeter une forme de musique sous prétexte qu'on n'y trouve pas ce qu'on trouve habituellement dans la musique, il faut d'abord se poser la question de ce qu'on peut y trouver. Dans le cas des musiques contemporaines, même les plus "conceptuelles" et "mathématiques", une écoute centrée sur les aspects haptiques et kinesthésiques donne des résultats tout à fait bon chez les auditeurs non-experts dans leur appréciation de la musique (cela, je l'ai testé personnellement avec mon entourage).
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