Belle musique et réalisation minutieuse

Pour l'aspect narratif, je le ressens assez indirectement, un peu à la manière d'un songe d'une nuit d'été : pas de canevas ni d'histoire à proprement parler, mais une succession d'apparitions variées de thèmes oniriques qui prennent la coloration fantaisiste, ou bien grave, ou bien rêveuse selon l'inspiration du moment comme les déclinaisons successives d'un même paysage intérieur...

Thanatos était sûrement un titre inadapté, quoique l'intériorisation poussée qui gouverne le discours soit inévitablement connotée d'une certaine incertitude : la muse ici, c'est presque "Terpspycho"

La rançon de ce monde intérieur est l'attention soutenue qu'il demande à l'auditeur, et bien que la coloration soit sans cesse en évolution, le côté un petit peu statique de la progression est accentué par une impression de ralentissement progressif du tempo vers la fin - le côté nécessairement "dramatique" du genre "poème symphonique" (revendiqué par l'auteur à défaut de mieux) contredit un peu ce choix de placer un pseudo "allegro" au début, et un pseudo "andante" pas très ralenti, vers la fin, à moins que le projet ne soit pas terminé, et qu'une dernière section plus rapide ne vienne un jour le compléter par une véritable conclusion ?

Bravo pour cette pièce qui dénote beaucoup d'imagination, et une rare maîtrise de la couleur !

Cher JLF,

Merci pour vos commentaires chaleureux.

Je vous réponds en ce qui concerne d’éventuelles difficultés d’exécution de certains passages . Je manque évidemment d’expérience pratique, mais j’ai veillé aux points suivants :
1. j’ai ménagé les temps de respiration pour les bois et cuivre.
2. comme signalé à Emilie, les trait à exécuter pour les bois et cordes sont relativement lents la vitesse ne dépassant pas le sextolet de la noire à 80 battements. Ces sextolets aux cordes sont en général en degrés conjoints. Les cuivres n’ont aucun trait virtuose à effectuer, ni la harpe, et la partition du vibraphone ne nécessite même pas la tenues de plus d’une baguette par main. Même remarque pour les cloches.
3. A ma connaissance, le jeu mélangeant binaire et ternaire ne devrait pas poser de problème dès lors que le positionnement sur les temps est respecté.

Quant à la mise en place générale, c’est affaire de chef d’orchestre et je ne peux me prononcer sur d’éventuelles difficultés. Toutefois, j’ai veillé, dans la mesure du possible, à l’équilibre orchestral pour que les instruments qui doivent ressortir ne soient pas noyés dans la masse orchestrale.

Quant à savoir si cette musique est tonale, j’avoue que je ne me casse plus la tête comme autrefois pour savoir dans quelle tonalité je me trouve et quelle armature je dois placer à la clé. En effet j’ai constaté que mon habitude plus ou moins consciente d’utiliser certaines gammes modales non diatoniques peuvent laisser une impression tonale. A ce sujet, je me propose de mettre sur le site une courte pièce orchestrale à laquelle je travaille en ce moment (en réalisant en même temps la partition imprimée). Cette pièce sera présentée dans un premier temps sans la partition, car cela m’amusera de faire deviner quelle particularité d’écriture plutôt stricte elle respectera.

Enfin, en ce qui concerne le caractère de cette dernière partie de ma « suite », je peux par exemple vous mentionner la 4°symphonie de Mahler dans laquelle vous pouvez entendre « das himmliche Leben » (très séduisant), dans le dernier mouvement. C’est un peu dans cet esprit que j’ai composé, mais je n’aurai pas l’outrecuidance de me comparer à ce grand musicien.

bricas

bonjour Chris,

J’apprécie particulièrement que vous ayez employé le qualificatif « belle » à propos de ma musique. En effet, pour moi, la recherche de la beauté me parait essentielle en art, même s’il est bien difficile de définir ce qui se cache derrière ce terme. En tout cas, on peut bien constater qu’il est de moins en moins employé pour qualifier la musique actuelle…

Votre remarque concernant la section finale de la pièce rejoint ce que je disais à propos de mon projet de la prolonger de 2-3 minutes, afin d’assurer un meilleur équilibre et une conclusion moins « bateau ». Je m'y emploierai après avoir terminé une courte pièce orchestrale sur laquelle je travaille acuellement.

Cher bricas,

Je pense que c'est la meilleure pièce que j'ai pu entendre ici. J'y vois un postmodernisme très clair et sans encombre, qui ne s'arrête pas à des cadences et des ponctuations (excepté cette fin, que vous avez déjà expliquée) mais se compose principalement de gestes mélodiques et rythmiques très "en-dehors", de citations internes et externes, de couleurs très post-romantiques bien qu'un peu monotones pendant la première moitié de la pièce. C'est l'effet que je recherchais pour mon "Isis", que je reprendrai cet été si tout va bien (peut-être pourrai-je alors vous emprunter quelques techniques...).

Mahler, effectivement, et sa narration infinie, sont là - très humble de votre part de ne pas oser vous comparer à lui, mais d'après ce que j'en entends, vous pourrez bientôt le faire. Il ne faut pas trop canoniser les "grands" qui ne sont plus là. Ils ont fait leur temps, c'est maintenant notre tour d'essayer de faire le nôtre.

Si je suis partagé sur un point, c'est cette sensation que tout est joué entre le pianissimo et le mezzo-piano. Est-ce le cas sur la partition ? Une interprétation live demanderait probablement plus de nuances, sauf si l'effet que vous voulez produire est effectivement cette (in)tension d'écoute qu'on a chez Sciarinno par exemple, qui va jouer entre le pianississimo et le pianissimo pendant dix minutes avant de faire un geste géant.

En bref, bravo. J'attends la suite !

Cher Nicolas,

Votre commentaire est trop élogieux, je risque d’attraper la grosse tête ! En tout cas merci, cela fait toujours plaisir…En fait, je suis intimement convaincu d’être à mille lieus d’un Mahler qui a vécu dès son plus jeune âge dans un bain musical remarquable et a composé des œuvres splendides sans l’aide de l’informatique…Comme je l’ai déjà mentionné, ma seule expérience au Conservatoire a été comme auditeur libre pendant une année scolaire, en classe de composition à Rouen, où le professeur avait eu la gentillesse de m’accepter. J’ai bien aimé ce contact, mais je n’y ai pas appris grand-chose. Par ailleurs, ma seule formation musicale a consisté en quelques années de cours privés de piano. Je manque cruellement à la fois de formation et d’expérience !

En ce qui concerne le manque de nuances de volume de la pièce, vous avez raison : j’aurais dû soigner cela de façon plus sérieuse. Il semble que le MP3 écrase aussi quelque peu le volume par rapport à l’écoute que j’ai (que j’avais…) sur mon installation. Personnellement, j’ai l’habitude de régler le volume par la seule vélocité, car s’il est réglée par le contrôleur 7, l’ensemble de ce qui passe sur le canal est affecté, ce qui peut être très gênant. Je tacherai de faire plus attention à l’avenir.

Bricas: (en parlant de ce qui est «beau»...)

Épargnez-vous et épargnez-nous ce type de généralité préjudicieuse et gratuite. SVP.

Nicolas:

Je ne sais pas ce que vous voulez insinuer exactement. Nous ne sommes pas des bouchers ou des faiseurs de bol de yogourt pour mettre des dates de péremption sur des paquets de viande ou des bols yogourt.

Nous parlons de musique.

Il y a de cela plus de 30 ans, nous y allions à la fac de multiples audaces en musique contemporaine mais nous n'avons jamais pour autant, mes profs compositeurs assez connus ainsi que nous les étudiants voulu faire école sur des musiques, les confrontant les unes aux autres et parlant de qui a fait son temps comme vous dites.

En 1977 j'ai fait des concerts très contemporains avec des instruments fabriqués avec des enfants à partir de matériaux de quincaillerie sonnants, et qui ressemblaient à du Star Wars modernisé... et combien d'autres aussi avec des partitions de musique montées de toute pièce, que le langage traditionnel n'aurait pu donner... Et je n'ai jamais eu besoin de dire que Bach avait fait son temps pour en arriver là.

Lorsque vous dites (Nicolas): ... vous y allez un peu d'une philosophie de bottines: le temps de Bach n'est pas fait comme vous dites, ni celui de Mozart: on en découvre encore sur leurs musiques...

Et faites attention au sujet de Mahler: les français ont levé le nez longtemps sur Mahler pour aujourd'hui le jouer presque à l'excès. Non seulement le temps de Mahler n'était pas passé en France... le français eux n'étaient tout simplement pas arrivés... (je vous taquine)

Le plus passionné de mes profs. à l'époque avait même dit (très surprenant venant de lui) qu'une musique faite de cadences plagales et parfaites, si bien écrite pourrait même atteindre le titre de chef-d'oeuvre contemporain.

Il y a longtemps que je n'avais pas e lu de tels propos... Il fallait bien revoir ça 100 ans après le naufrage du Titanic en 2012!