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TOPIC: Questions de définitions...

Questions de définitions... 11 years, 9 months ago #977

  • nicolasmarty
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Bonjour à tous !

Ce sujet de ce que sont les choses a un peu commencé dans le sujet Vers une narratologie 'naturelle' de la musique, alors j'ouvre ce sujet pour mieux ranger les choses.

Principalement, on pourrait tourner ici autour de ces choses :

- Qu'est-ce que l'art/Art ?
- Qu'est-ce que la musique ? Qu'est-ce que le musical ?
- Qu'est-ce que la musique "contemporaine" ?
- Qu'est-ce que la musique "atonale" ?
- Qu'est-ce que le conceptuel ? Qu'est-ce qu'une musique conceptuelle ?
- ...et d'autres si vous en avez !

---Re: Questions de définitions... 11 years, 9 months ago #978

  • bricas
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Qu’est-ce que la musique ? Malgré tout ce qui a été dit à ce sujet, il n’est sans doute pas inutile d’y revenir. A mon avis, il y a quelque confusion à ce sujet : j’ai déjà dit ailleurs que certains la définissent comme étant « l’art d’organiser les sons ». Cette définition est, à mon avis, tout à fait insuffisante et source de confusion. Il me semble qu’il peut y avoir mille et une façons d’organiser les sons, musicaux ou non, audibles ou non, sans que ce soit de la musique. Pour moi, une définition qui me parait plus satisfaisante est : « la musique est l’art d’organiser des idées musicales à l’aide de sons musicaux ». Bien entendu, c’est là que les difficultés commencent : qu’est-ce qu’ une « idée musicale », que veut-on dire par «son musical » ? On se trouve probablement, en définitive, devant une « Question sans Réponse », à l’instar de Charles Ives dans son « The Unanswered Question ». On peut caractériser les contours d’une idée musicale, son langage, sa syntaxe, sa forme, qui peuvent rendre compte partiellement de sa valeur, mais pour qu’elle nous touche profondément et qu’elle soit pérenne, il y a « quelque – chose en plus » qui est indéfinissable. Si c’était définissable, les ordinateurs nous auraient depuis longtemps supplantés ! De même, la notion de « son musical» n’est pas évidente à définir. Une approche est de dire qu’il s’agit de sons émis par des instruments de musique, mais pourquoi ces sons sont-ils privilégiés, et d’ailleurs changeants, en fonction de l’époque et de l’endroit… ? Question de « feeling » ? mais avec cela on n’explique rien. La musique, à mon sens, n’a pas le privilège exclusif d’émouvoir par les sons : certain « bruitages » peuvent être très impressionnants, émouvants, séducteurs etc et, tout simplement, la nature produit des sons possédant ces caractéristiques. C’est en considérant ce fait, que l’on se rend compte de la difficulté qui nous guette à éviter la confusion des genres, du risque de confondre bruitage et musique, ou d’employer des techniques "dénaturantes". Et pourtant je crois qu’il est important d’essayer de marquer les frontières, faute de quoi on se dirigera vers un méli-mélo probablement destructeur.

---Re: Questions de définitions... 11 years, 9 months ago #982

  • nicolasmarty
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Pour ce qui est de la musique, Imberty propose de dire que la musicalité est l'ancrage de l'expérience dans le temps. Donc la musique serait l'organisation du temps (via le son). Et cela fonctionne assez bien à mon avis, parce que c'est effectivement dans la gestion du temps qu'on trouve les plus grandes différences entre les cultures musicales :

- le temps pulsé obsessionnel dans certaines musiques africaines
- le temps régulier, pulsé et mesuré dans la musique occidentale tonale
- le temps arrêté par tableaux chez Debussy
- le temps distordu et irrégulier avec la musique expressionniste et ses évolutions en musique sérielle
- un mélange de diverses temporalités avec beaucoup d'esthétiques contemporaines

Et (ce qu'Imberty reproche beaucoup à tous les psychologues et musiciens), alors qu'on parle facilement de points et d'états, on a complètement oublié pendant longtemps que la caractéristique primordiale de la musique, c'est qu'elle est ancrée dans le temps, éphémère.

Pour ce qui est des "sons musicaux", on appelle parfois comme ça les sons harmoniques (voir Wikipédia pour des explications si nécessaire), ce qui se justifie parce que les voyelles, qu'elles soient parlées ou chantées, sont majoritairement harmoniques. Mais ça va peut-être dans l'autre sens : c'est peut-être parce qu'on privilégie les sons harmoniques qu'à l'écoute du son de la voix on lisse les "imperfections" que sont la rugosité, les crépitements, etc. (qui sont pourtant tellement beaux !).

Par ailleurs, la question de la pérennité semble très présente dans les discours de beaucoup. Mais il faut savoir que la musique tonale / modale n'est pas pérenne, et que d'ici quelques centaines d'années elle aura disparu et ne fera plus partie que de l'histoire. Elle est, après tout, fondée sur un système tout à fait arbitraire. Ca ne veut pas dire qu'on ne pourra plus rien en tirer, simplement qu'il n'en restera que la valeur corporelle et temporelle, sur lesquelles, peut-être, se grefferont encore d'autres associations...?
La question de la pérennité me semble un peu sans valeur, du coup.

---Re: Questions de définitions... 11 years, 9 months ago #984

  • bricas
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Il me semble que la gestion du temps n’est qu’un des aspects de la musique qui se retrouve, plus ou moins, dans les modalités que vous donnez, à toutes les époques. De plus, dire que la musique est éphémère parce-que le temps est éphémère me semble vraiment tiré pas les cheveux ! Vos affirmations sur la musique modale et tonale son bien audacieuses : comment pouvez vous affirmer leur disparition d’ici « quelques centaine d’années » ? Sur quoi vous basez vous ? Des musiques de centaines d’années sont toujours écoutées de nos jours et pas près de disparaître ! De plus, je trouve que de la part d’un étudiant en musicologie, le fait d’affirmer que ces musiques sont basées sur des systèmes arbitraires c’est balayer un peu vite la théorie des séries harmoniques naturelles dont le système tonal serait issu. Je n’ai pas la compétence pour affirmer avec force la validité de cette théorie, mais ce que j’ai lu à ce sujet, chez Furtwaengler notamment, me parait plutôt convainquant. En tout cas, la tonalité (ou la « néo-tonalité ») me parait bien vivante de nos jour et même reprendre quelque vigueur, par rapport à la situation d’il y a quelques décennies. Enfin, connaissez-vous un meilleur « juge de paix », pour la musique que la pérennité ?

---Re: Questions de définitions... 11 years, 9 months ago #985

  • nicolasmarty
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Quand vous dites que des musiques de centaines d'années sont encore écoutées, de quelles musiques parlez-vous ? Parce que je veux bien admettre que le système tonal est vieux, mais il faut voir qu'il n'a que trois siècles, et penser qu'il va rester semble assez naïf, quand on voit l'âge de l'espèce humaine... Le chant grégorien a disparu, de même que la musique de la Renaissance. Ce n'est pas parce qu'on les joue encore parfois qu'ils sont des éléments du présent. De la même manière que ce n'est pas parce qu'on reconstitue une bataille qu'elle se passe dans le présent.

Quant à la théorie des séries harmoniques... n'oublions pas qu'elle vient de la Grèce antique, puis du XIXe siècle, toujours en Occident. Suggérer qu'elle décrit quelque chose de naturel, c'est suggérer que les indiens, les japonais, les inuits font de la musique qui n'est pas naturelle...

En gros, cette théorie est tout à fait arbitraire, particulièrement quand on parle des harmoniques "naturelles". La preuve en est que les auditeurs préfèrent les intervalles tempérés aux intervalles dits "naturels" (je vous invite à lire le résumé du livre de Francès que j'ai mis sur le forum il y a quelques semaines), et trouvent les premiers plus justes que les seconds, ce qui montre bien que ce qui prime, c'est la culture. (et en quoi un intervalle serait-il plus naturel qu'un autre en vertu d'une division par nombres entiers ?)

De plus, entre justifier une division de l'octave (le tempérament égal) et justifier un système qui dit qu'une note doit aller vers une autre et qu'un accord doit se résoudre sur un autre (la tonalité), il y a un fossé. Les règles de résolution des accords sont des règles construites au fil des années, sans qu'elles aient de justification "naturelle" ou autre que l'habitude et l'intégration dans le système (arbitraire) déjà existant.

Enfin, vu que la tonalité repose sur l'idée de consonance/dissonance = détente/tension, on peut absolument affirmer que c'est arbitraire, puisque ces notions le sont elles-même (l'idée de tension et de détente d'un intervalle n'existe que dans cette musique). C'est pour ça qu'on parle maintenant de degré de rugosité d'un intervalle.

Qu'appelez-vous "néo-tonalité" ? Avez-vous un exemple d'oeuvre ?

Et pour votre dernière question, la pérennité ne fait que peu, à mon avis. Rien qu'en considérant les divers aléas de l'histoire et de la vie, on voit comment on a pu oublier des choses que certains retrouvent aujourd'hui et dont on dit que ce sont des chefs d'oeuvre. Par ailleurs, l'idée de pérennité elle-même est très liée à notre culture qui veut garder une trace d'absolument tout, mais suggérer que c'est la pérennité qui montre la valeur, c'est aussi dire que les musiques qui ne sont pas conservées sont moins bonnes, ont moins de valeur, et on retourne dans des domaines qui peuvent vite virer à l'ethnocentrisme...

---Re: Questions de définitions... 11 years, 9 months ago #986

  • bricas
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Bonjour Nicolas,

Je vois que vous aimez toujours autant le débat. Je reprends point par point :

- Les musiques datant de centaines d’années sont toujours écoutées, du Grégorien à la Renaissance, aux Baroques, aux Classiques, aux Romantiques et à mon avis rien ne permet d’affirmer qu’elles ne seront plus écoutées dans des centaines d’années. On peut même dire que ces musiques, composées à partir de la période baroque, n’ont jamais été autant écoutées, si l’on se place sur le plan mondial. Elles font donc bien partie du présent, et sans doute de l’avenir.

- Je ne comprends pas du tout votre développement sur les harmoniques qui ne répond pas au lien établi entre l’harmonie tonale et les harmoniques des sons. Rares sont les sons qui n’émettent qu’une seule fréquence, à part, par exemple le diapason, certains sons de flûte ou des oscillateurs électriques. La théorie dont il est question est en fait la génération de l’harmonie tonale en fonction des harmoniques naturels des sons. Encore une fois, cette théorie m’a parue tenir bien la route lorsque j’en ai pris connaissance, mais il y a longtemps de cela et je serais incompétent à présent pour en discuter plus avant. La conclusion était cependant que l’harmonie tonale a une base naturelle solide en expliquant, entre autres, par le rôle des harmoniques, les attractions auxquelles vous faites allusion.

- Les caractéristiques essentielles liées à la musique tonale de »consonnance-dissonnance » et « de tension-détente » sont jugées par vous comme arbitraires, et si je ne me trompe, ce caractère arbitraire ferait que ces caractéristiques sont soit de peu d’importance en musique, soit même condamnables, dans la mesure où elles seraient le résultat d’un conditionnement culturel empêchant un esprit d’ouverture. Or, personnellement, je pense, au contraire, que ces caractéristiques expliquent le succès de la musique tonale. En effet, elle sont à l’image du fonctionnement des nos sentiments, de notre cerveau, de nos questionnements, de notre vie. Pour moi, c’est bien pour cette raison que la musique tonale a cette audience mondiale. Les possibilités de remplir ces fonctions « vitales» dans d’autres systèmes plus ou moins exotiques ou primitifs, ou occidentaux modernes, existent , bien entendu, mais mon sentiment est que c’est à un moindre degré. A quoi vous répondrez peut-être que nous sommes culturellement conditionnés et nous allons tourner en rond….

- En ce qui concerne la « néo-tonalité », il s’agit du sentiment diffus de tonalité, d’attractions tonales, pouvant se dégager d’ œuvres à dominante modale, ou par exemple certaines œuvres spectrales, ou alors d’œuvres n’obéissant à aucun système ou langage précis, mais dans lesquelles on discerne bien ces attractions tonales. Je pense à des compositeurs comme Arvo Part, Escaisch, Connesson, Hersant etc. On sent bien le conditionnement culturel tonal…. Je vous précise bien que je ne suis en rien un militant du « retour à la tonalité » et que je ne fais rien d’autre ici que de constater ce qui est. Comme je l’ai déjà dit ailleurs : que chacun s’exprime comme il veut! L’important est d’avoir quelque chose à dire.

- Enfin la pérennité : c’est, au contraire, ne pas tout garder ! Bien sûr il y a des redécouvertes, mais globalement une valeur, dans n’importe quel domaine, doit être confirmée dans le temps. Ce n’est certainement pas le critère absolu, mais a-t-on trouvé mieux ?
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