Bonjour,
Très longtemps que je ne suis pas venu, je repassais pour voir un peu la vie du forum puisque je l'ai conseillé à une amie.
Assez vite, pour ne pas réinitier un débat qu'on a déjà eu, en effet (quoique mon avis a certainement muté depuis). Il semble, François (comme beaucoup d'autres), que vous faites une confusion entre "bruit quotidien" (bruit, son naturel, etc.) et "son concret", et que vous utilisiez l'adjectif "concret" pour désigner tous les sons à caractère "anecdotique".
Vous semblez dire que ce qui fait la musique, c'est le caractère "abstrait". Mais, prenez le Traité de Schaeffer, vous y verrez deux choses :
- le mot "concret" y désigne un son considéré dans toutes ses caractéristiques, plutôt que de n'en prendre en compte que le caractère anecdotique, évocateur, ou que certains paramètres (hauteur, rythme, nuance) ;
- l'intérêt de considérer le son dans sa concrétude, c'est (pour Schaeffer) de pouvoir établir une autre abstraction : plutôt que de partir d'une abstraction existante (la partition, réductrice), on prend le son dans toute son étendue, on en choisit une partie, et on construit de manière abstraite à partir de là.
Tout ça ne veut pas dire qu'on ne perçoive plus le caractère anecdotique du son (quoique c'est ce que Schaeffer aurait préféré, sur la fin), mais qu'une fois accepté comme un fait, ce caractère n'est plus pertinent, par saturation (c'était tout l'objet de la boucle, mais surtout de l'écoute réduite). Vous entendez une chasse d'eau, mais ce son a d'autres caractéristiques, qui sont peut-être transposées de manière abstraite dans la composition que vous mentionnez (ou peut-être pas, il y a aussi beaucoup de musique électroacoustique "ambient", ces temps-ci, ou la part de composition me semble plus limitée).
Vous pouvez refuser d'appeler ça de la musique, mais vous ne pouvez pas l'appeler "art du bruitage" : Schaeffer était, en partie, bruiteur, à l'origine, et c'est de là qu'il a mené ses expériences sur le son, justement en remarquant que le son était intéressant en dehors de son aspect de bruitage radiophonique. Il y a des sections d'oeuvres électroacoustiques dans lesquelles sont utilisés des sons très évocateurs, c'est un enrichissement de la possibilité d'évocation (comme Respighi utilisait un enregistrement d'oiseau dans Les Pins de Rome), ou bien ça peut permettre une dialectique (abstraite) entre l'évocateur et le sonore "pur".
Globalement, pour comprendre pourquoi on peut appeler ça de la musique, je ne peux que vous conseiller les écrits de Leigh Landy, qui fait la distinction entre musique de notes et musique de sons - vous semblez prôner plutôt la musique de notes, qui utilise des paramètres discrétisés en échelles pour établir des dialectiques et porter la forme, tandis que la musique de sons utilise des paramètres continus (d'où l'inclusion de tous les aspects du timbre), la forme étant portée par des relations à plus grande échelle.
Bref, je m'arrête là, en espérant avoir contribué un peu à avancer la réflexion