Merci à tous pour ce débat passionné et intéressant car vos prises de position ont l'avantage d'être nourries d'une réflexion mûrie par des années de travail d'écriture, avec tout ce que cela comporte comme incertitudes et choix à assumer.
Mon propos initial n'engageait que ma volonté (peut-être vaine ?) "d'indépendance" musicale de ma (modeste) production personnelle, même si j'ai parfois obéi à des "commandes" et ai du me plier aux contraintes d'un texte, d'un poème ou d'un livret. À cette "indépendance" désirée ne correspond pas un style précis. Il s'agit simplement d'imaginer que la musique puisse être jouée en dehors de son contexte initial et qu'elle puisse tenir la route quand-même, seule, dans ce face-à-face redoutable et magique à la fois avec l'écoute des autres, le public. Ainsi, les arias qui ponctuent mes opéras sont conçues, comme jadis, pour éventuellement servir de pièces de concert indépendantes. Leur style ne dépend évidemment pas de cette polyvalence scène-concert-enregistrement mais bien du livret qui les a fait naître. Cette dépendance là, à la littérature, à la poésie, à la prégnance des mots m'est douce car elle nourrit mon imagination musicale et je la revendique donc pleinement.
Par contre, je suis plus méfiant vis-à-vis d'une référence imagée (film, vidéo, oeuvre d'art, etc) car j'estime qu'elle m'impose déjà un imaginaire qui est celui d'un autre et dans lequel je ne me reconnaîtrais pas forcément. Ce qui ne m'empêche pas d'admirer certaines musiques de film et de les placer au même rang que des oeuvres de musique classique. Je leur dois sans doute autant qu'à ces dernières.
Etant historien de l'art de formation, j'ai toujours considéré l'oeuvre intrinsèquement, lorsque le contexte en avait disparu ou avait été oublié, ce qui est souvent le cas des pièces archéologiques. Mais le travail d'historien de l'art sert également à tenter de reconstituer ce contexte pour redonner son sens à l'oeuvre. J'imagine alors quel travail de reconstitution l'on pourrait faire avec une musique dont on tenterait de retrouver l'attache cinématographique, scénique ou à tout autre medium. Ce serait intéressant et pertinent mais, d'un autre côté, lorsque la musique est "bonne" (pour paraphraser une [bonne] chanson de Jean-Jacques Goldman), elle se suffit à elle même et signale le talent de son auteur, entre autres.
Tout ceci ne partait que du constat, somme toute assez banal, que les jeux vidéo ne sont pas de mon goût parce que je m'y sens prisonnier d'un formatage esthétique qui me contraint et souvent m'ennuie. Quant à savoir si une musique est "sérieuse" ou "commerciale", c'est souvent le recul du temps et les changements culturels qui opèrent la sélection. Lorsque Jacques Demy présenta "Les parapluies de Cherbourg" au jury chargé de sélectionner les films qui devaient représenter la France au Festival de Cannes de 1964, il suscita l'hilarité générale, au terme de la projection, les honorables membres de cette docte assemblée jugeant la présence de la musique et la dramaturgie de l'oeuvre proprement "ridicules". La suite, on la connaît.....
J'ai, pour ma part une seule certitude en la matière. Lorsque l'on divulgue la musique que l'on a écrite, avec des intentions et une charge émotionnelle personnelles, on s'expose à une expropriation esthétique des celle-ci par une écoute et des jugements qui s'avéreraient bien différents de ceux que l'on a eus au départ, du point de vue du compositeur. Lorsque la musique est jouée, elle ne nous appartient déjà plus.

amitiés,

Yves

Bonjour, Rinaldi...J'aime cette phrase : "lorsque la musique est "bonne" .......elle se suffit à elle même"...C'est à peu près ce que j'avais répondu dans un post du site "musicomposer" à des critiques sur le titre d'une de mes compos (je ne me souviens plus la quelle) pour expliquer que le titre n'a que peu d'importance...

Chers amis,

Les résultats et les conclusions sont disponibles sur la première page de ce topic, accompagnant les extraits pour une réécoute !

Je relance cela en espérant quelques commentaires sur les conclusions que j'ai portées (qui sont dans les premiers messages du sujet)... ?

nicolasmarty wrote:


Une valeur marchande ? Permettez-moi de douter des prémisses de votre affirmation

Comment définir un raisonnement qui revient à établir la réalité d'une valeur intrinsèque d'un ouvrage par l'existence d'acheteurs inattendus ? Ce qui se vend est-il par là automatiquement valable ? Ce qui est acheté selon la mode du moment est-il automatiquement pérenne ? etc. etc.

On trouve le même déport du système esthétique habituel dans l'irruption de plus en plus fréquente des graphismes et même des scénarios de ces jeux dans le film de fiction : je verrais plutôt là une mode comme une autre, avec l'attrait de la "nouveauté", avec parfois à la clé le risque de faire de l'image (ou du son) gratuitement, pour "meubler", ce qui inversement peut servir à masquer le manque de scénario, donc la carence créative...

Bientôt, on aura la 3D en guise de cache misère commercial, et apposée en tant qu'agent masquant sur des canevas indigents, ou pour rafraîchir des productions périmées en leur offrant un cycle de vie rallongé... comme on a eu le technicolor et le cinémascope en guise d'innovation sur d'infâmes navets, qui nous font bien rigoler aujourd'hui

La crise de la création est encore devant nous, parce que l'imaginaire se fout des moyens, il ne répond qu'à la signification... La création est une affirmation de vérité ou n'est pas, et une "affirmation" tout court, de l'ordre du manifeste, même séduisante de prime abord, ne pèse pas bien lourd, ni très longtemps devant cet impératif catégorique permanent de l'Art : avoir quelque chose à dire

Cela m'étonne que vous - qui ne vous êtes pas prêté au test - critiquiez comme cela la musique de jeu vidéo qui n'aurait rien à dire. Avez-vous lu les résultats de ce test ?

Il semble un peu trop facile de votre part de critiquer le jeu par les orchestres ou l'utilisation de banques de sons réalistes comme étant des caches-misère, sans chercher réellement à savoir la qualité de la chose.
Ce peut être bien fait, bien sonorisé, avoir une valeur marchande, être tiré d'un support visuel et être musical à la fois ! Ecoutez simplement les extraits proposés. De la même manière que ce peut être mal fait et n'avoir pourtant aucun "cache-misère" ou valeur marchande.

Quant à l'objet de l'art, je ne pense pas qu'il mérite notre attention : le concept d' "Art" (et avec une majuscule !) ne servant toujours qu'à justifier des jugements de valeur injustifiables par ailleurs, comme ce "racisme" ambiant préjugeant de tous les jeux vidéo à partir d'un nombre réduit sans chercher à connaître.