Bonjour Nicolas,
Je reviens vers votre Death Note que j'avais pris beaucoup de plaisir à écouter et que je trouve toujours autant chargé d'onirisme et d'évocations. Chacun y trouvera sa part de rêve et d'émotions latentes ou déclarées. Je souhaiterais cependant réagir à la remarque de François Desjardins sur l'anglicisation de notre langue qui, en soi, participe d'un mouvement d'influence culturelle d'une langue dominante, à un moment donné de son histoire. Jadis le grec, puis le latin (on ne s'en plaindra pas..), puis l'italien (non-plus), le français (encore moins) et, aujourd'hui, l'anglais, ou plutôt le Globish, cet idiome fait d'amalgames linguistiques et sémantiques, voué à générer de nouvelles langues, là où le colon anglais a autrefois posé son dévolu et ses comptoirs commerciaux.
Il y a fort à parier qu'un anglophone de Hong-Kong ne comprendra plus, dans quelques siècles, un anglophone d'Ottawa, ni même ce dernier un anglophone londonien.
Cela, nous le savons bien. Mon propos porterait davantage sur cette propension des élites françaises à diffamer leur propre langue et la culture qui lui est liée. Nos grandes sociétés qui s'exportent, nos grandes écoles de commerces (rebaptisées de sigles pseudo-américains d'un ridicule consommé), nos hommes politiques et autres intellectuels autoproclamés, se croient obligés de s'exprimer en anglais, lors des grands rendez-vous internationaux : économiques, politiques ou autres. Dans certaines entreprises françaises, en France même, il est interdit de s'exprimer en français et les "collaborateurs " (dans toutes les acceptions du terme...) sont sommés de baragouiner dans la langue de Shakespeare, ou du moins dans ce qu'il en reste. Or, il est prouvé que des locuteurs français à qui on oblige de communiquer entre eux dans une langue étrangère perdent une productivité au travail considérable. Rien de tel pour ruiner une entreprise française que d'instaurer l'anglais comme langue unique de communication interne.
Les américains eux-mêmes qui ont parfois l'occasion d'effectuer des stages dans ces grandes multinationales françaises, en France, sont stupéfaits de constater cette aberration linguistique qui sévit chez nous, eux qui espéraient pouvoir y améliorer leur français.... Un comble.
Il y a 25 ans, le Prince Charles intervenait auprès des têtes d'oeufs de Bruxelles pour sauver le Camembert Normand au lait cru, ces énarques dénaturés songeaient à l'époque à imposer le lait pasteurisé pour sa fabrication, histoire de plastifier définitivement le goût français en transformant le plus célèbre fromage français en ersatz de Cheddar.
Michel Serres l'a dénoncé depuis des décennies : le problème n'est pas la domination de l'anglais, qui est seulement le signe de la domination de la culture anglo-américaine, c'est la démission de nos élites qui exportent une image dénigrée et négative de notre langue et de notre culture. Comment voulez-vous alors faire aimer ces dernières à l'intérieur lorsque vous faites tout pour les saper à l'extérieur ? Avons-nous si honte que cela de notre langue ? Sommes-nous si serviles, au point de substituer des termes existant en français par des équivalents anglais, par peur de passer pour ringards ou de ne pas se faire "comprendre" du plus grand nombre ? Qui a décrété que "cash" était mieux qu'"espèces" si ce n'est les élites économiques et politiques françaises qui n'ont de patrie que dans les chiffres faramineux des bénéfices qu'ils font en délocalisant les entreprises, les technologies et notre âme collective ?
Le problème du français, ce sont les français eux-mêmes qui en sont la cause unique. Il n'y a qu'à visiter les grands musées étrangers pour constater qu'ils sont remplis d'oeuvres d'art françaises (et italiennes) suscitant une admiration jamais démentie.
Comme le signalait Max Weber, pour qu'il y ait des maîtres, il faut qu'il y ait des esclaves.
Amitiés,
Yves