Ces quatre mouvements exploitent brillamment le procédé des variations autour d'un thème central bref mais prégnant, introduit à la mesure 17 du 1er mouvement, avec toutes les ressources de l'écriture propre aux cordes et au quatuor en particulier. Mais il n'y a heureusement pas qu'un unique thème alimentant cette œuvre ; des motifs singuliers viennent donner à chaque mouvement sa couleur harmonique et mélodique, autour de cette épine dorsale constituée par le motif principal.
Le premier mouvement joue pas mal sur la tension structurelle entre des accords tenus et des groupes de doubles croches avec des écarts importants entre les instruments, le compositeur n'hésitant pas à faire jouer en même temps les notes suraigües du violon et des sons en quasi-pédale au violoncelle. L'accélération finale semble déboucher sur un accord interrompu prématurément (?). Je n'ai pas compris la signification du signe en forme de N majuscule pourvu d'une courte barre au sommet qui figure à de nombreuses reprises dans ce premier mouvement avec indication d'une voix.
J'ai préféré les 2ème et 4ème mouvements avec leur écriture aérée, brillante et enlevée où aucune note n'est de trop. Le rythme dansant de l'allegretto final possède de lointains échos de mélodies populaires.
On remarque, d'une façon générale, une composition par séquences séparées par des points d'orgue posés sur des accords s'étirant dans une écriture volontiers harmonique et venant conclure des motifs à l'écriture plus horizontale, développant des échanges denses et tendus entre les instruments, de véritables dialogues dans lesquels personne n'est oublié, les violons ne dominant pas particulièrement les deux autres instruments. Parfois ces points d'orgue sont posés sur des silences, montrant que ceux-ci sont des "vides" structurels aussi importants que les sons eux-mêmes. C'est ici un aspect tout à fait dans la lignée du modernisme du XXème siècle, de même que la volonté de rompre avec l'hégémonie des violons, propre à la tradition classique du quatuor. Dans l'écriture pianistique, la main gauche s'est vue, depuis Liszt, traitée par les compositeurs du XXème siècle sur un pied d'égalité avec la droite.
Outre ce souci d'une écriture égalitaire entre les quatre instruments, on remarque un usage savant des articulations, toujours employées à bon escient, sans ostentation et au seul service du timbre ou du phrasé. Il y a notamment pas mal de glissandos et de notes détachées, accentuant l'impression d'un tissu sonore léger. Le rendu des articulations est d'un réalisme spectaculaire, ainsi que les nuances et autres expressions indiquées sur la partition.
Plus encore que le Trio créé le 5 décembre dernier en concert, ce quatuor montre une grande maîtrise des ressources instrumentales, de la répartition des voix, du dialogue entre les instruments, le parti-pris oscillant entre tonalité, atonalité et polytonalité et de la dynamique musicale en général.
L'œuvre est concise et s'impose immédiatement à l'écoute, avec toutes ses nuances et ses subtilités.
Bravo !