Le rire rend joyeux

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Category: Psychologie

Created on Saturday, 04 February 2012 17:43

Written by Yves Rinaldi

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LE RIRE REND JOYEUX

(ET NON L'INVERSE)

On croit souvent que le rire marque la joie de celui qui rit. Dans son essai Le Rire (1899-1900), le philosophe français Henri Bergson notait qu'au fur et à mesure que le public riait à une pièce de théâtre comique, les rires se faisaient plus fréquents, nombreux et forts.

Henri Bergson (1859-1941)

Nous avons tous fait l'expérience de sourire, voire de rire, au spectacle d'un groupe de personnes s'esclaffant à côté de nous, dans un lieu public, sans pour autant connaître la cause de leur hilarité. Ce qui fait dire à la sagesse populaire que le rire est "communicatif". Les travaux menés par la neurophysiologie, aidée par l'imagerie médicale (IRM notamment), montrent que ce sont les mêmes zones du cerveau qui sont sollicitées et qui s'activent lorsque nous entendons rire que lorsque nous rions nous-mêmes : le rire devient alors un réflexe neurophysiologique indépendant de toute considération sur l'objet/le sujet du rire.

Mais il est bien entendu que nous ne rions pas forcément des mêmes choses. C'est ici que le déterminisme culturel, sinon le relativisme du même nom, intervient. Selon l'époque, les moeurs et les lieux, tout ne prête pas à rire. Une étude menée sur nos voisins européens montre que certains sujets sont tabous. Ainsi, en Irlande, une loi punit  depuis peu de blasphème toute moquerie relative à la religion, avec amende salée à la clé. Idem pour la famille royale avec laquelle on ne plaisante pas en Espagne, à la différence de l'Angleterre où la Reine possède sa marionnette dans l'équivalent de nos "Guignols de l'Info" et depuis belle lurette. Chez nos voisins d'Outre-Manche, c'est avec l'armée qu'on est sourcilleux. Il est en effet mal vu de rire des soldats estropiés par la guerre en Irak ou en Afghanistan. En Allemagne, la Shoa demeure un sujet comique à éviter. Il a fallu qu'un comique juif allemand transgresse le tabou pour que le rire s'empare de ce sujet autrefois rédhibitoire.

Et la France ? Il semblerait que le rire y soit (encore) relativement libre, si l'on excepte les poursuites engagées par des associations contre certains comiques qui "auraient dépasser les bornes". L'affaire dite "des crevettes roses" opposant Patrick Timsit à des associations de parents d'enfants trisomiques en est une illustration récente. Sans compter les foudres du pouvoir qui s'abattent régulièrement sur la tête de certains humoristes qui se risquent de se payer celle de nos gouvernants.

Dany Boon sur le tournage de "Bienvenue chez les Ch'tis" à Bergues (2007).

Il faut bien reconnaître que les comiques qui cartonnent en ce moment au box office du rire français, Gad Elmaleh en tête, se font les gardiens d'un rire bien sage et bien consensuel, à l'exemple du succès au cinéma de "Bienvenue chez les Ch'tis" ou de "Intouchables", comparé au rire décapant d'un Coluche ou plus dérangeant d'un Desproges. Le politiquement correct et la pensée unique se seraient-ils également emparés de nos gosiers et surtout de notre esprit autrefois réputé si critique ?

Louis de Funès et André Bourvil, vedettes du film de Gérard Oury, "Le Corniaud" (1964)

Revenons à la joie du rire. Les bienfaits physiologiques du rire ne sont plus à démontrer. Il régulerait notre tension artérielle, réduirait le stress et aurait même des effets réducteurs sur .... les hémorroïdes !

À quoi attribuer ces vertus curatives ? Tout simplement à une endomorphine sécrétée par notre cerveau lorsque nous rions. Elle nous détend en agissant sur le stress. Il serait recommandé de rire au moins dix minutes par jour pour prolonger notre existence de quelques années. Cette action est due au fait que l'endomorphine en question inhibe l'adrénaline sécrétée notamment à l'occasion d'une frayeur ou d'une grande angoisse. Les japonais l'ont compris depuis longtemps eux qui se forcent à rire après une grosse peur, histoire de réduire leurs pulsations cardiaques.

Pour la même raison, des médecins, soignants se sont associés depuis 20 ans, dans le cadre du "Rire Médecin" pour soulager des enfants atteints de graves maladies et contraints à de longues - et parfois éprouvantes - hospitalisations. Ces médecins, psychologues et thérapeutes endossent pour l'occasion des habits de clowns et les pitreries de ces "Nez Rouges" (nom qu'ils se sont donnés) aident par le rire ces enfants à supporter les rigueurs de la maladie et les traitements non moins éprouvants qui les accompagnent.http://leriremedecin.asso.fr/Association/association   

Car le rire est source de plaisir. Tout comme l'amour, il relie le psychisme au corps mais selon un cheminement inverse : il part du psychisme pour culminer dans le corps, qu'il ébranle d'onomatopées, rictus et autres spasmes respiratoires incontrôlables, alors que l'amour part du corps pour culminer dans le cerveau. Il paraît même qu'on peut en mourir, ce qui ne risque pas d'arriver à une catégorie d'individus dénommés agelastes (venant du a privatif et du grec ancien gelao : "rire"). Certaines personnalités, telles que Margaret Thatcher, Joseph Staline ou Francisco Franco en souffraient, leur rire s'apparentant plutôt chez eux à un ricanement étouffé. Comme quoi nous ne serions pas tous égaux devant le rire....

Le président russe Boris Eltsine et le président américain Bill Clinton pris d'un fou rire lors du point presse de la Conférence de Washington, le 24 octobre 1995.

L'association "Le Rire Médecin" organise actuellemnt une exposition de photographies à Paris, intitulée "Nez Rouge toi-même !" du 18 janvier au 18 février 2011 au Salon des Prévôts de l’Hôtel de ville de Paris. 75004 Paris (Métro Ligne 1, station : Hôtel de Ville, De 9h à 18h30. Entrée Libre. Fermetures exceptionnelles les 6 et 7 février.

photo de l'affiche de l'exposition "Nez rouge toi-même !"